Les “pre-mortem”
1. Le post-mortem, tout le monde connaît, c’est l’autopsie permettant d’identifier la cause de la mort d’une personne… ou d’un projet. Le pre-mortem, comme son nom l’indique, est réalisé avant la mort, non pas d’une personne (il ne manquerait plus que ça !) mais d’un projet. Il s’agit d’imaginer, avant même son lancement, qu’un projet a échoué et d’analyser les causes de cet échec. Pas joyeux mais efficace.
2. “Les projets morts se ramassent à la pelle…” souvent parce que personne n’ose exprimer ses doutes au moment même de la préparation et de la planification d’un nouveau projet. Par peur de passer pour le rabat-joie de service, guère enthousiasmé par les réalisations de sa chère entreprise, on préfère se taire et garder pour soi des réflexions qui pourraient pourtant éviter quelques catastrophes. Dans un pre-mortem, le principe est que le projet a déjà échoué - difficile de faire plus négatif - donc on peut se “lâcher et parler sans risque.
3. La méthode du pré-mortem a été proposée en 1998 par Gary Klein, auteur et chercheur en psychologie. Des recherches menées dès 1989 par Deborah J. Mitchell (Wharton School), Jay Russo (Cornell) et Nancy Pennington (University of Colorado) avaient déjà établi que la « prospective rétrospective » améliorait de 30 % notre capacité à identifier les causes d’un événement. Finalement envisager le pire, ça peut avoir du bon.
4. Concrètement, comment ça se passe ?
Dans le cadre d’une réunion, le responsable du projet informe tout le monde que leur projet a lamentablement échoué, et demande à chaque participant d’écrire la liste des raisons ayant, selon lui, conduit à cet échec.
Dans un tour de table, chacun donne l’une des raisons auxquelles il a pensé, jusqu’à épuisement. Vous obtenez ainsi une liste complète issue de cerveaux très différents, (plutôt) libres de s’exprimer.
A partir de cette liste exhaustive (on l’espère…), il n’y a plus qu’à imaginer ensemble les solutions à apporter préventivement.
Le plan d’action qui en résulte doit être régulièrement mis à jour, en fonction de l’avancement du projet.
5. La méthode du pré-mortem permet de mettre en avant des explications objectives. A l’inverse des réunions de préparation, il ne s’agit pas de minimiser certains risques afin que le projet se fasse coûte que coûte. Les enjeux sont réduits.
6. Pour les plus taquins (ou les plus pervers ?) d’entre nous, le pre-mortem peut même se transformer en une forme de jeu, dans lequel il devient valorisant de trouver les failles auxquelles les autres n’ont pas pensé. La dynamique passe de “je ne veux surtout pas être celui qui va parler des problèmes et briser le consensus de l’équipe” à “je suis le plus compétent car j’ai réussi à identifier des points qui auraient pu ruiner notre travail commun”. Le projet ne peut qu’en bénéficier.
7. De plus, il est intéressant de pouvoir envisager avec sang froid la possibilité d’un échec - “celui dont on ne doit pas prononcer le nom” - soit pour l’éviter, soit pour le “désacraliser”. Un échec est désagréable mais ne devrait pas représenter la fin du monde. On s’en remettra et on réussira mieux le projet suivant.
La leçon à retenir
Si on fait un pre-mortem, il y a quelques chances qu’on évite le mortem et donc le post-mortem. C’est quand même beaucoup moins sinistre…
Pour aller plus loin
L’article Back to the future: Temporal perspective in the explanation of events
Le livre The Power Of Intuition: How To Use Your Gut Feelings To Make Better Decisions At Work
The Citizens of Halloween - This Is Halloween (From Tim Burton's "The Nightmare Before Christmas")
Yves Montand "Les feuilles mortes" | Archive INA
Le “planet centric design”
1. Le planet centric design (ou design centré sur la planète) consiste à concevoir des produits ou services respectant les limites des ressources naturelles offertes par notre planète, qui ne sont pas infinies (contrairement à ce que certains croient encore).
2. Le design a toujours suivi l’évolution de la société :
Le design de produit. Voitures, mobilier, architecture, mode… Né avec la révolution industrielle, le design a d’abord concerné les produits physiques, les objets tangibles et la façon dont on les utilise.
Le design centré utilisateur. A partir de la seconde partie du XXème siècle, alors que les services dominent l’économie, le design s’intéresse aux services et aux interactions entre humains.
Le design centré interface. Avec la révolution digitale de la fin du XXème siècle, le design prend une nouvelle forme : le design d’interface et des interactions homme-machine.
3. Aujourd’hui, le design s’élargit encore : il s’agit de concevoir des interactions entre l’humain et l’environnement, respectant l’équilibre entre besoins humains et ressources naturelles.
4. Le planet centric design repose sur trois postulats :
De l’humain à la planète : les parties prenantes “planétaires” (océans, bio-diversité, etc.) comptent autant que les besoins humains.
De la quantité à la qualité : la croissance n’est plus l’objectif unique, les enjeux de durabilité ou de recyclage doivent aussi être pris en compte.
Du court-terme au long-terme : le planet centric design doit prévoir les “externalités”, c'est-à-dire les avantages et inconvénients d’un produit ou d’un service, pour les générations à venir.
5. Du market fit au planet fit… Les adeptes du Planet Centric Design ne sont pas (seulement) des idéalistes puisque l’économie reste au centre de leur réflexion. Le crédo est simple : ce qui est bon pour la planète est bon pour le business. Il s’agit d’inverser l’ordre habituel des priorités : commençons par le planet fit, le market fit viendra ensuite tout naturellement. La pensée traditionnelle “le business d’abord, le reste on verra” est remise en cause car elle est sur le long terme vouée à l’échec.
6. Conscient de la complexité des enjeux environnementaux, un planet centric designer doit notamment posséder ces trois qualités :
Se sentir responsable de ce qu’il conçoit, en anticipant les conséquences de ses décisions pour la planète.
Savoir prendre en compte la complexité de l'écosystème environnemental.
Avoir la volonté de partager ses connaissances et ses méthodes.
7. Loin des jolies petites cuillères et des voitures de luxe, le design aujourd’hui doit nous permettre de concevoir des produits et services qui ne participent pas à la destruction de la planète, voire contribuent à la restaurer. Nous nous targuons d’être l’espèce la plus intelligente de la planète ce qui justifierait d’en épuiser les ressources pour notre seul confort, voire plaisir, au détriment de la survie des autres. Le planet centric design est peut-être une chance d’utiliser cette intelligence dont nous sommes si fiers, à autre chose qu’à nous détruire. Enfin, on l’espère.
La leçon à tirer
Après le “less is more”, le “wiser is more” ?
Pour aller plus loin
Why should we go Planet Centric? Planet Centric Design
What is Speculative Design? School of Critical Design
How being planet-centric can really make a difference when designing services, Gov.uk