🔴 L’échec selon Roger Federer et le "rage-baiting"
Tout est dans la tête, de nos réussites à nos défaites...
L’échec selon Roger Federer
1. Je l’avoue, je n’y connais rien en tennis, et même, oserais-je le dire, voir deux personnes se renvoyer des balles à l’infini m’ennuie infiniment, mais, mais, mais… c’est de saison, donc je vais vous parler de quelqu’un qui s’y connaît un peu… Roger Federer qui a aussi deux ou trois trucs intéressants à nous dire sur la réussite.
2. Dans un discours devant une assemblée d’étudiants à Dartmouth (université faisant partie de l’Ivy League), Roger Federer rappelle que, bien qu’il ait gagné 80 % des matchs qu’il a disputés dans sa vie, il n’a gagné que 54 % des points qu’il a joués, et donc qu’il a perdu presque un point sur deux ! Message à tous les perfectionnistes (dont je fus longtemps) : les plus grands joueurs sont ceux qui perdent, l’acceptent et travaillent d’autant plus… jusqu’à ce qu’ils finissent par gagner.
“Effortless is a myth.”
Roger Federer
3. Comment réagir face à un échec ou une victoire ? Simple. Après chaque point, Roger Federer applique une méthode en trois étapes, qui s’étend sur quinze secondes seulement :
1ère étape - Secondes 0 à 5 : ressentir et accepter son émotion, qu'elle soit positive (il a gagné) ou négative (il a perdu).
2ème étape - Secondes 6 à 10 : se relaxer mentalement et physiquement. Selon Roger, il s’agit de l’étape la plus importante.
3ème étape - Secondes 11 à 15 : Préparer sa tactique pour le point suivant.
4. Donc, petit exercice pour ceux qui suivent Roland-Garros avec passion : regarder comment réagissent les joueurs. Certains se parlent tout haut, d’autres restent silencieux mais leur corps parle pour eux. Oui, ils sont en train de se rassurer, de se motiver, de réfléchir à ce qu’ils vont faire… Toujours selon Roger, la qualité de ce discours est la clé pour devenir et rester un grand champion (ou une grande championne bien sûr !).
5. Tout le monde connaît le doute (l’autre est meilleur d’une façon ou d’une autre, plus puissant, plus intelligent, plus beau, etc.), même Federer qui, en 2008, après avoir gagné cinq fois de suite Wimbledon, est parti perdant face à Nadal. Toutefois, la force mentale qu’il a développée pendant ses entraînements, lui a permis de réagir et de reprendre le dessus, même si c’était trop tard pour pouvoir gagner. Selon lui, c’est ce discours intérieur dévalorisant qui l’a fait perdre.
6. Pour se relever d’une défaite, on peut s’inspirer du modèle des 4 C développé par Peter Clough, Doug Strycharczyk et John Perry dans leur ouvrage Developing Mental Toughness: Strategies to Improve Performance, Resilience and Wellbeing in Individuals and Organizations (2002).
7. Selon ce modèle, la force mentale globale tient en quatre éléments : le défi, l'engagement, le contrôle et la confiance.
Challenge (défi) - La capacité à considérer un défi comme une opportunité.
Commitment (engagement) - La capacité à s'engager et à persévérer dans la réalisation d'une tâche.
Control (contrôle) - Le degré auquel vous pensez contrôler votre propre destinée.
Confidence (confiance) - La mesure dans laquelle vous croyez avoir la capacité de faire face à des défis.
En travaillant sur chacun de ces points, nous ajoutons ce petit plus qui, outre le talent et le travail, permet de réussir.
La leçon du jour
Contrairement à ce que l’on croit souvent, il ne s’agit pas d’être parfait mais d’accepter l’erreur, l’échec, la défaite… et de savoir s’en relever. Grrrr ! Pourquoi on n’apprend pas ça à l’école ?
Pour aller plus loin
Le discours : 2024 Commencement Address by Roger Federer at Dartmouth
Pour se faire plaisir, quelques pubs : Roger Federer - Funniest TV Commercials
La chanson : Pauline Croze -T'es Beau
Le rage-baiting
1. Le rage-baiting (ou provocation à la colère en français) consiste à publier – notamment sur les réseaux sociaux - des contenus suscitant de la colère et de l’indignation, dans le but de générer de l’engagement (clics, commentaires, partages), du trafic et de la visibilité.
2. Le rage-baiting s’appuie sur des mécanismes psychologiques bien connus : lorsque nous sommes indignés, nous avons envie de réagir, donc de partager, commenter, liker… Autant de réactions qui incitent les algorithmes des réseaux sociaux à diffuser encore plus largement les contenus controversés, créant une boucle de rétroaction où l'engagement génère encore plus d'engagement. C’est dommage mais la colère se propage plus vite que la sérénité.
3. Ce phénomène a donné naissance au marketing de la rage, une technique parfaitement maîtrisée par une nouvelle génération de créateurs de contenus, qui exploitent ces ressorts émotionnels à des fins lucratives. La colère devient un modèle économique : des publications volontairement polémiques sont diffusées non par conviction, mais par intérêt. La règle est simple : enflammer les débats pour gagner en visibilité. Hum…
4. Quelques exemples typiques :
Proposer des recettes absurdes (avec des doses d’ingrédients complètement délirantes).
Attaquer nos célébrités ou séries préférées.
Comparer les générations : “Les jeunes d’aujourd’hui sont paresseux.”
Critiquer l’éducation des enfants : “Les parents qui laissent leurs enfants seuls devant des écrans sont des monstres.” Une accusation qui exaspérera à peu près tous les parents qui ont, ne serait-ce qu’un jour, laissé leurs enfants devant un dessin animé. Bingo !
5. Toutefois, si la provocation devient trop extrême, les annonceurs peuvent préférer garder leurs investissements pour des contenus moins risqués. Pour éviter cet écueil, de nombreux créateurs optent pour des provocations à faible enjeu (low stake provocations). On provoque juste assez pour faire réagir, sans effrayer les sponsors. Quelques exemples :
Prononcer “expresso” au lieu d’espresso, ce qui indigne les puristes de la langue italienne.
Manger un KitKat sans séparer les barres — une hérésie pour beaucoup. Damned ! On a les combats qu’on mérite…
6. Plus préoccupant : le rage bait est désormais omniprésent en période électorale. Une étude menée en 2022 par l’Université de Cambridge a analysé plus de 2,7 millions de publications émanant de médias américains ou de membres du Congrès. Résultat : attaquer, voire simplement mentionner un adversaire politique (outgroup), augmente de 67 % le nombre de partages. Pour gagner des voix, il est devenu plus efficace de provoquer que de proposer. Certains ont vraiment très très bien compris ce phénomène…
7. Comment ne pas tomber dans le piège ? Commençons par prendre du recul avant de réagir : ce contenu est-il conçu pour m’informer, me divertir… ou me provoquer ? Certains signes peuvent nous alerter : titres accrocheurs, exagérations, généralisations… Car nous ne devons pas oublier que plus nous sommes indignés, plus nous sommes manipulables.
La leçon du jour
Avant de partager ou commenter, posons-nous aussi la question : à qui profite le crime… euh, ma colère ?
Pour aller plus loin
Negativity Spreads More than Positivity on Twitter After Both Positive and Negative Political Situations, National Library of Medecine
The Monetisation of Toxicity: Analysing YouTube Content Creators and Controversy-Driven Engagement, Arxiv
The Relationship Between Anger and Social Media, MentalHealth.com