🔴 7 about... l’effet Dunning-Kruger et les “gray rhinos”
Chers SEVENers,
Cette semaine, dans notre série Corée :
Un magnifique film qui a fait l’unanimité : Printemps, été, automne, hiver… et printemps. Très, très loin de la K-Pop !
Un K-drama, romcom ”politique” : quand une capitaliste de Séoul rencontre un soldat nord-corse. Parfois à prendre au 3ème degré… Crash landing on you
Et, maintenant, place à nos articles préférés…
Bonne lecture !
Et toujours notre playlist sur Spotify, qui grossit, qui grossit… 7 about - été 2022.
L’effet Dunning-Kruger
L'effet Dunning-Kruger est un biais cognitif qui consiste à surestimer ses compétences dans des domaines que l’on connaît juste un peu. Il tire son nom de deux psychologues, David Dunning et Justin Kruger, qui ont étudié ce phénomène dès 1999.
“La culture, c’est comme la confiture. Moins on en a, plus on l’étale.”
Citation attribuée au choix à Françoise Sagan, Pierre Desproges ou Jean Delacour.
L'étude originale portait sur des tests de logique, de grammaire et de sens de l'humour (eh oui !). En moyenne, 62 % des participants s’estimaient “meilleurs” que leurs pairs alors que seuls 12 % sur-performaient.
L'effet Dunning-Kruger peut être représenté par une courbe, avec trois stades :
Le novice : vous n'avez aucune connaissance sur un sujet et admettez volontiers votre ignorance. Jusque-là, tout va bien.
L’amateur : ça se corse ! En passant de novice à légèrement connaisseur, vous développez un sentiment de supériorité en "oubliant" que vous avez des lacunes.
Le spécialiste : plus vous connaissez un sujet, plus vous en identifiez la complexité et plus vous êtes conscient de vos limites. Vous savez que vous ne savez pas.
Le Mont Stupide ! C'est au stade de l’amateur que se situe le véritable danger. Parce que vous connaissez un peu un sujet, vous développez un faux sentiment de maîtrise. Vous ne doutez plus, vous ignorez votre propre ignorance et vous devenez dangereux.
“Arrogance is ignorance plus conviction.” Tim Urban
Des exemples à foison. On retrouve l'effet Dunning-Kruger dans quasiment tous les domaines.
Les étudiants les moins bien notés (les 25 % en bas de la grille) représentent 60 % des étudiants qui surestiment leurs performances.
En cas de sous-performance, les entretiens d'évaluation sont rarement considérés comme "justes” par la personne évaluée.
Les experts qui peuplent les plateaux télé, préfèrent "affirmer" que faire part de leur doute (pas bon pour l'audimat...).
La France est riche de "65 millions de sélectionneurs" qui savent mieux que l'entraîneur quelle équipe aligner sur le terrain, sans avoir jamais rencontré un seul des joueurs retenus.
Et que dire des millions d’épidémiologistes soudainement “diplômés” depuis mars 2020…
La première règle du club Dunning-Kruger est une variante de celle du Fight Club. Selon Dunning, "dans le club Dunning-Kruger, personne ne sait qu'il fait partie du club." Nous sommes donc tous concernés, à un moment ou à un autre.
Rien à voir avec le niveau d'intelligence : l'effet Dunning-Kruger prolifère avec l'accès croissant aux connaissances. Pour se prémunir de ces effets pervers, Dunning et Kruger conseillent d'appliquer quelques remèdes simples mais efficaces : réfléchir avant de tirer des conclusions hâtives, accepter la contradiction et sans cesse remettre en question ses connaissances. Facile, non ?
La leçon à tirer
Comme disait Jean Gabin, “Je sais, je sais, je sais… Maintenant je sais, je sais qu’on ne sait jamais, mais ça je le sais”.
Pour aller plus loin
Comment savoir si je suis atteint du syndrome Dunning-Kruger ?
L'étude originale de David Dunning et Justin Kruger
Les exemples de l'effet Dunning-Kruger
L'effet Dunning-Kruger existe-t-il vraiment ?
Les “gray rhinos”
1. Le gray rhino (rhinocéros gris) représente un danger que nous pouvons identifier mais face auquel nous restons inertes, incapables de réagir, comme face à un rhinocéros prêt à charger.
2. Ce concept a été développé par Michèle Wuckler lors d'une intervention à Davos en 2013 puis dans son essai “The Gray Rhino” paru en 2016. En tant que journaliste, Michèle Wuckler a couvert la crise argentine de 2001 et la crise grecque en 2015. A chaque fois, elle a pu constater que des signaux forts annonçaient ces événements mais qu’aucun des dirigeants en place n'a voulu agir.
3. Gray rhino et black swan. Le gray rhino vient enrichir l'imagerie animalière des crises, rejoignant le black swan théorisé en 2007 par Nassim Nicholas Taleb. Les black swans sont des risques improbables, par définition totalement imprévisibles. A l’inverse, les gray rhinos sont des risques prévisibles que nous refusons de voir. Pour rester dans la métaphore animalière, citons son proche cousin : l'éléphant dans le salon.
4. La pandémie a relancé le débat : le Covid était-il un black swan ou un gray rhino ? Avantage au gray rhino, comme le laisse penser cette célèbre intervention de Bill Gates en mars 2015. Pour la plupart des experts, le risque de pandémie était prévisible : plusieurs événements que nous avons choisi d'ignorer auraient dû nous amener à nous préparer, notamment les épidémies de SARS en 2002, de H1N1 en 2009 et d'Ebola en 2014.
5. Le processus de la prise en compte d'un gray rhino se décompose en 5 phases :
Le déni : “Mais non, tout va bien : il ne faut pas s’inquiéter.”
La confusion : “Ok, il y un risque mais ce n’est pas la peine de s’en occuper parce que… telle ou telle (bonne ?) raison.”
Le diagnostic : “Après analyse, voici ce qu’il faudrait faire…”
La panique : L’anxiété est à son comble face à l’imminence de la crise. C’est le moment où nous sommes le plus susceptibles de passer à l’action mais en prenant de mauvaises décisions, car aucun plan d’action n'a été mûrement réfléchi.
L’action : enfin, des “courageux” passent à l’action et mettent en œuvre les mesures nécessaires, fédérant le reste des personnes concernées.
6. Les prochains gray rhinos. On s'en doute : les gray rhinos les plus menaçants concernent l'environnement. Un exemple parmi tant d'autres : la montée des eaux, inévitable et dangereuse. Et pourtant, la part de la population vivant sur les façades maritimes ne cesse d'augmenter, tout comme le prix de l'immobilier dans les régions côtières.
7. Notre incapacité à éviter les gray rhinos alors qu’on les voit venir “gros comme une maison”, renvoie à notre conditionnement au court-terme au détriment du long terme. Nous nous concentrons sur les objectifs du prochain trimestre, sur la nécessité de gagner les prochaines élections... en repoussant à plus tard les menaces que nous connaissons pourtant très bien.
La leçon à retenir
Voici le dicton du jour (ça peut toujours servir) : “un homme averti en vaut deux.” Bon, une femme aussi…
Pour aller plus loin
Le Ted Talk de Michèle Wuckler sur les gray rhinos
Bill Gates: La prochaine épidémie ? Nous ne sommes pas prêts | TED Talk
"Dont' Look up, le déni cosmique", la dernière superproduction hollywoodienne “gray rhino”
Les prix de l'immobilier au Cap Ferret battent des records.