La fatigue décisionnelle
1. La fatigue décisionnelle (decision fatigue en anglais) désigne le fait qu’au fur et à mesure de la journée, les décisions que nous prenons sont de moins en moins bonnes. Notre cerveau fatigue…
2. Dès la fin des années 1990, le psychologue américain Roy F. Baumesteir a montré que notre capacité à décider pouvait être comparée à un muscle qui se fatigue au fil des efforts et a besoin de repos pour récupérer.
3. Le danger guette car un cerveau fatigué de prendre des décisions procède par raccourcis et par impulsion : nous devenons imprudents, nous ne réfléchissons plus aux conséquences et nous sommes moins résistants aux tentations. A l’inverse, nous pouvons être paralysés par l’indécision et éviter de faire des choix (ce qui est aussi un choix…).
4. Il faut dire que nos journées ne sont pas de tout repos. Du réveil au coucher, nous prenons plus de 35 000 décisions par jour selon Eva Krockow, chercheuse spécialisée en prise de décision à l’université de Leicester. De quoi épuiser le plus vaillant des cerveaux…
5. Alors comment éviter la fatigue décisionnelle ? Deux astuces simples peuvent nous aider :
Automatiser : Il n’y a pas de petites ni de grandes décisions, chacune d’entre elles nous fatigue, donc plus nous nous mettons en pilote automatique, mieux nous nous portons.
Quelques exemples :
S’habiller toujours de la même façon : Barack Obama était connu pour n’avoir que des costumes et des cravates identiques. Idem pour les cols roulés de Steve Jobs ou les hoodies de Mark Zuckerberg.
Mettre en place des (bonnes) habitudes quotidiennes : petit-déjeuner, heure du coucher, réveil, etc. La routine peut avoir du bon.
Anticiper : certains moments sont plus propices que d’autres à la prise de décision, le matin par exemple. Inutile de préciser qu’il vaut mieux éviter les périodes d’hypoglycémie…
6. Selon les travaux de l’économiste américain Dean Spears, les populations les plus défavorisées sont davantage affectées par la fatigue décisionnelle. Ses travaux réalisés dans une vingtaine de villages du Rajasthan, lui ont permis de constater que les populations pauvres devaient arbitrer en permanence. Chaque achat, aussi minime soit-il, celui d’un savon par exemple, implique qu’il faut “choisir” de renoncer à d’autres produits ou activités. Conclusion : moins vous disposez de moyens matériels et financiers, plus vous dépensez d’énergie mentale à faire des choix. L’argent ne fait peut-être pas le bonheur mais il permet d’avoir un cerveau frais et dispo.
7. Savoir prendre les bonnes décisions ne serait donc pas tant une question de personnalité que de contexte. Notre réticence au changement pourrait également être liée à la fatigue décisionnelle puisque modifier nos habitudes équivaut à devoir à nouveau faire des choix… et notre cerveau déteste ça.
La leçon à tirer
“C’est pas moi, c’est mon cerveau…”.
Gabriel, 15 ans.
Pour aller plus loin
How many decisions do we make each day? - Psychology Today
Economic Decision-making in Poverty Depletes Behavioral Control - Dean Spears - Princeton University
Ego depletion: is the active self a limited resource? - Roy F Baumeister
Why So Many Successful People Wear The Same Outfit Everyday - Sanjeev Yadav
Tu veux ou tu veux pas ? - Brigitte Bardot
Le “Soft power index” 2024
1. Publié chaque année depuis 2020 par le cabinet Brand Finance, le “Soft power index” est devenu l’étude de référence pour classer les pays en fonction de leur “soft power”. Ce classement inclut les 193 pays membres de l’ONU, sur la base de 170 000 interviews réalisées en novembre 2023 dans une centaine de pays.
2. Mais, pour commencer, qu’est-ce exactement que le “soft power” ? Dans son livre The Future of Power (2011), le politologue Joseph Nye le définit comme “la capacité d’une nation à être influente sur la scène internationale par l’attirance ou la persuasion plutôt que par la force (hard power).”
Toujours selon Joseph Nye, le “soft power” d’un pays provient de trois sources principales :
L’attrait de sa culture sur les autres populations
Ses valeurs politiques
Sa politique diplomatique ainsi que la perception de son autorité morale et de sa légitimité par les autres populations
3. En tête du classement figurent les Etats-Unis et le Royaume-Uni :
Après un passage à vide sous la présidence Trump, le pouvoir d’influence des Etats-Unis demeure incontesté, notamment sur les critères “Sciences”, “Art et divertissement” et “Leaders”, malgré un déclin sur les critères “Pays à visiter” et “Sécurité”.
L'image du Royaume-Uni reprend des couleurs grâce à une économie jugée plus “stable et forte” et des institutions “mieux gouvernées”.
4. La grande nouveauté de cette année est l’irrésistible montée de la Chine qui occupe désormais la troisième place mondiale avec d'excellents scores sur les critères “Business et commerce”, “Éducation” et “Sciences”. Avec une progression de 6,2 points, la Chine dépasse désormais le Japon et l’Allemagne qui rétrograde à la cinquième place cette année, en raison d’une forte chute sur le critère “Bonnes relations avec les autres pays”. Consolation pour nos amis d’outre-Rhin : le pays reste en tête pour la qualité de ses institutions gouvernementales.
5. L’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Qatar sont les autres grands vainqueurs de ce classement. Les colossaux investissements effectués notamment dans la promotion du tourisme ou l’organisation d’événements mondiaux ont porté leurs fruits : coupe du Monde au Qatar en 2022, exposition universelle 2020 et COP 28 aux Emirats Arabes Unis, etc. Point commun ? Une intention soutenue par d’énormes moyens investis dans leur “marque pays”.
6. La France se maintient à une honorable sixième place mondiale. Les clichés ayant la vie dure, la France est considérée comme la première puissance culinaire mondiale devant l’Italie. En troisième position, le Mexique s’invite à la table (sans jeu de mot) des puissances culinaires mondiales.
7. Le “Soft Power Index” repose sur le principe que les nations peuvent aussi être des marques. Et pourquoi pas ? En effet, l’image d’un pays est déterminante lorsqu’il s’agit de choisir une destination touristique, d’investir dans de nouvelles usines ou d’attribuer l’organisation d’événements internationaux, toutes choses qui représentent d’importantes retombées économiques ou de nouvelles capacités d’influence diplomatique.
La leçon à tirer
Dans un monde où les tensions géopolitiques ne cessent de s’accroître, il est rassurant de voir des pays préférer l’attraction et la séduction, au brutal rapport de forces.
Pour aller plus loin
La vidéo : Joseph Nye on Soft Power - Harvard Kennedy School
L’autre vidéo : Soft Power, la guerre des universités - Le dessous des cartes
Le podcast : Soft Power - Frédéric Martel