🔴 7 about... la Grind culture, l’autre règle de 3 et Wudao, le ChatGPT chinois
La Grind culture
1. La grind ou hustle culture (surperformance pour nos amis canadiens) est cette tendance à mettre le travail au centre de notre vie, à valoriser la productivité au détriment du reste, de tout le reste : nos proches, nos loisirs et même notre santé.
2. Cette productivité toxique conduit à une forme d'addiction à la performance, où le sacrifice est sans fin, au nom de la réussite : vous n’arrivez plus à arrêter de travailler, vous refusez de vous reposer, vous vous définissez par votre capacité à produire.
You are not the work you do; you are the person you are.
Toni Morrison
3. Ces injonctions se poursuivent dans la vie personnelle : nous “devons” nous améliorer sans cesse, apprendre une nouvelle langue en trois semaines, comptabiliser nos pas, méditer dès cinq heures du matin, etc. Bref, performer même pendant notre temps “libre”. Cette tendance est exacerbée par l’essor des applications de productivité, de tracking santé, de rappels en tout genre qui disent comment faire plus et mieux. Sans parler des exemples “inspirants” sur les réseaux sociaux, abondamment likés et relayés...
4. Passé du glamour au repoussoir, Elon Musk est l’incarnation parfaite de la grind culture. Il semble en effet persuadé qu’il doit son succès au fait d’avoir passé toute sa vie à travailler et uniquement à travailler (si on exclut ses 10 enfants…) ! Des semaines de 120 heures, 6 heures de sommeil et des nuits passées au bureau… Miam !
“Nobody ever changed the world on 40 hours a week
Elon Musk
5. Les femmes sont les premières victimes de la Grind culture. Encore aujourd’hui, le soin aux enfants repose le plus souvent sur elles, notamment pour aller les chercher à la crèche ou à l’école (voir plus haut). Difficile dans ce cas de rester jusqu’à vingt-et-une heures au bureau. Que dire donc de ces réunions programmées à dix-huit heures, qui pourraient tout autant l’être à neuf heures ? Les solutions :
Demander à ce qu’elle soit avancée (et vous passez pour une fainéante)
Demander au papa d’aller chercher les enfants, qui pourrait bien vous répondre qu’il a déjà des réunions prévues (pour lesquelles il s’est engagé sans avoir besoin d’y penser)
Trouver n’importe quelle solution de garde en urgence (et vous surchargez une autre maman-copine ou confiez vos enfants à n’importe qui, sans compter que vous passez un temps certain à organiser tout ça)
Bref, vous êtes perdante sur tous les plans puisque vous devez aussi être une mère, une amoureuse, une amie, une sportive, etc. “performante” qui pense à organiser les activités des enfants, les dîners à la maison... Épuisant.
6. Pourtant, travailler sans limite est dangereux pour la santé. Selon une étude de l’OMS, travailler plus de 55 heures par semaine tue 745 000 personnes dans le monde chaque année, et augmente de 35 % le risque d’AVC et de 17 % les maladies cardiaques. D’après une étude de Deloitte, 77 % des personnes interrogées avaient déjà été en burnout dans leur poste actuel.
7. Entre 2015 et 2019, l’Islande a testé sur 1 % de sa population active la semaine de travail écourtée : même salaire pour un temps de travail moindre, selon des modalités souples et adaptables. Résultat : la productivité a été maintenue, voire augmentée, et la qualité de vie des salariés a été améliorée. Un succès… dont devrait peut-être s’inspirer Goldman Sachs avec ses 95 heures de travail par semaine.
La leçon à retenir
Difficile de penser qu’on est productif lorsqu’on est “cramé”...
Pour aller plus loin
The Slackification of American Home, The Atlantic
How Grind culture failed women, Pocket
L’autre règle de 3
1. Non, je ne vais pas vous parler de mathématiques (ouf !). Cette règle de 3 concerne notre capacité à comprendre et à mémoriser : qu’il s’agisse d’idées, de mots, d’événements, de personnages, etc. nous “enregistrons” mieux ce qui nous est présenté par trois.
2. Cette règle est connue depuis longtemps. Les romains disaient déjà “Omne trium perfectum”, soit “toutes les bonnes choses vont par trois”. Ce que tendrait à prouver ces paroles de Jules César : “Veni, vidi, vici.” Deux mille ans plus tard, nous nous en souvenons encore !
3. Cela va au-delà de la simple mémorisation : nous apprécions particulièrement les histoires en trois actes (classique !) avec trois personnages décrits par trois adjectifs, etc. Même nos blagues sont en trois temps ! Idem pour les slogans publicitaires. Les exemples sont innombrables. Brève, rythmée, cette combinaison nous semble équilibrée et satisfaisante.
4. Les chercheurs en neurosciences se sont penchés sur la question. Peu enclin aux efforts inutiles, notre cerveau essaie de reconnaître les schémas (pattern) régissant ce qu’il découvre, afin de comprendre et réagir le plus rapidement possible. En des temps très lointains, cela pouvait déterminer la survie d’un individu. Vous avez deviné… Trois est le nombre minimal à partir duquel un schéma peut être établi.
5. D’après différentes études dont celles menées par Nelson Cowan à l'université de Missouri-Columbia, la capacité de notre mémoire de travail - celle qui nous permet de traiter des tâches mentales simples telles que la compréhension du langage, la résolution de problèmes, la planification… - est limitée à trois, voire cinq éléments, simultanément. Au-delà, selon John Sweller, nous frôlons la surcharge cognitive : nous n’apprenons plus de manière optimale.
6. Inutile donc de submerger nos interlocuteurs d’informations qu’ils ne retiendront pas. Mieux vaut s’en tenir à trois éléments, compris, mémorisés, traités, qu’à une flopée d’informations aussi vite oubliées. A la corbeille, les Powerpoint interminables !
7. Steve Jobs avait parfaitement compris l’intérêt de cette règle : ses célèbres présentations étaient divisées en trois parties, et non pas en huit, vingt… Bon, c’est vrai que quand les trois parties s’intitulent iPhone, iTunes et iPod, on ne risque pas de les oublier !
La leçon à retenir
Encore une fois… Less is more.
Pour aller plus loin
Wudao, le ChatGPT chinois
1. On ne présente (presque) plus ChatGPT, le robot conversationnel développé par OpenAI à partir de son modèle de langage GPT-3.5. On connaît en revanche très peu Wudao2.0, son pendant chinois, qui démontre que la Chine n’est pas en reste sur l’IA.
2. Avec 1 750 milliards de paramètres de calcul, Wudao2.0 serait dix fois plus puissant que ChatGPT (1,75 milliard de paramètres). Avantage Wudao donc, pour le nombre de paramètres de calcul, en attendant l’arrivée de GPT-4… Une surenchère sans fin.
3. Wudao, qui signifie “voie des lumières” en chinois, a été développé sous la direction du professeur Tang Jie, vice-président de la recherche au sein de la Beijing Academy of Artificial Intelligence. Plus de 100 spécialistes en Intelligence Artificielle ont été mobilisés, en provenance notamment des universités de Pékin, Tsinghua et Renmin, ainsi que de l’Académie chinoise des sciences (ACS).
4. Wudao2.0 dispose de sa propre incarnation : Hua Zhibing, une étudiante virtuelle dotée d’IA, capable d’apprendre en permanence, de dessiner, d’écrire des poèmes, de coder… L’équipe de Tang Jie envisage même de lui attribuer des facultés émotionnelles afin qu’elle puisse communiquer comme un humain.
5. Wudao a des accords avec plus de 22 marques chinoises qui utilisent déjà sa technologie, dont Xiaomi (smartphones) ou Kuaishou, l’application vidéo utilisée par plus de 200 millions de personnes dans le monde.
6. Wudao et ChatGPT appartiennent tous les deux à la famille des Large Language Models (LLM), ces outils d’intelligence artificielle capables de générer des textes, des images, du code, de la voix, des vidéos, des modèles 3D, de la musique… Les LLM appartiennent donc à la famille de l’Intelligence Artificielle dite générative, considérée comme la nouvelle frontière de l’Intelligence Artificielle.
7. La Chine n’entend pas limiter ses efforts à Wudao et compte bien remplacer les Etats-Unis comme leader mondial de l’Intelligence Artificielle dès la fin des années 2020. Pour le moment, l’écart entre les deux superpuissances est encore largement à l’avantage des Etats-Unis avec 86 milliards de dollars d’investissement en 2021 contre “seulement” 41,7 milliards pour la Chine (source : Digital Future Index). Mais l’empire du milieu contre-attaque avec son “plan Intelligence Artificielle pour 2030”, initié par le Parti Communiste Chinois dès 2017. Ce plan mise sur l’intensification de la recherche fondamentale et sur le recrutement des meilleurs talents mondiaux, afin de devenir la filière d’Intelligence Artificielle la plus performante au monde.
La leçon à tirer
Et nous, dans tout ça ? On se sent tout petit, petit…
Pour aller plus loin
Le site de la Beijing Academy of Artificial Intelligence (BAAI)
China unveils first domestically developed virtual student, People’s daily Online
Measuring trends in Artifcial Intelligence : The AI Report Index, Stanford University
The King size Canary, le génialissime dessin animé de Tex Avery sur la course à la puissance
AI in China, OCDE
Le livre AI Superpowers, Kaifu Lee