La loi de Metcalfe
1. La loi de Metcalfe (ou l’effet réseau) postule que plus le nombre d’utilisateurs ou d’appareils connectés à un réseau est grand, plus l’utilité, et donc la valeur, de ce réseau augmente.
2. Cette “loi” a été énoncée dès le début des années 1980 par Robert Metcalfe, fondateur de 3Com, société spécialisée dans les équipements réseau, et co-inventeur d’Ethernet, protocole de communication utilisé pour les réseaux locaux (LAN).
3. Le téléphone, première application de la loi de Metcalfe. Lorsque le téléphone a été inventé, son utilité était faible puisque les personnes en étant équipées étaient rares. En effet, à quoi sert un téléphone si je n’ai personne à appeler ? Mais, à chaque nouvel utilisateur, sa valeur s’est accrue de manière exponentielle car plus les interlocuteurs potentiels sont nombreux, plus mon téléphone m'est utile et donc précieux.
4. Du téléphone à Internet. La loi de Metcalfe s’applique bien sûr à Internet mais aussi aux autres plateformes créées sur le réseau. Prenons l’exemple d’Airbnb : si je veux louer un appartement, je préfère utiliser le site qui dispose du plus grand nombre d’offres. Et si je suis propriétaire, autant mettre mon appartement en location sur la plateforme qui attire le plus de locataires potentiels. Idem pour Tinder, Uber, etc. C’est le serpent qui se mord la queue et qui explique la puissance des applications à effet réseau.
5. Loi de Metcalfe + loi de Moore = sauce secrète de la Big Tech. La loi de Metcalfe combinée à la loi de Moore (qui stipule que la puissance des microprocesseurs double tous les 18 mois, à coût constant) constitue la base du développement technologique sans fin que nous constatons depuis plus de 50 ans. Robert Metcalfe et Gordon Moore (fondateur d’Intel, qui a donné son nom à cette loi) ont tous deux fait l’essentiel de leur carrière dans la Silicon Valley, épicentre mondial de l’innovation. Ce n’est pas un hasard…
6. De l’effet réseau au monopole, il n’y a qu’un pas. La loi de Metcalfe met également en lumière les risques de monopole lié à l’effet réseau, puisque celui-ci renforce la position dominante des acteurs disposant du plus grand nombre d’utilisateurs. C’est le modèle “winner-takes-all” (le gagnant remporte tout), le graal de tout entrepreneur ou investisseur. Ce modèle peut décourager la concurrence et finalement se révéler désavantageux pour les utilisateurs.
7. L’engagement utilisateur. Face aux monopoles engendrés par la loi de Metcalfe, seul un engagement utilisateur fort permet d’éviter les dérives de ce modèle. Pour concurrencer un acteur installé et bénéficiant de l’effet réseau, il est indispensable de concevoir une expérience utilisateur largement supérieure à l’existant, si on veut espérer émerger. Compliqué mais pas insurmontable comme le prouvent les succès successifs de Tik Tok déboussolant Instagram, lui-même remettant en question le modèle Facebook.
La leçon à tirer
“Puisque ces mystères me dépassent, feignons d'en être l'organisateur.”
Jean Cocteau
PhotoRoom
1. Outil de traitement d’images utilisant l’Intelligence Artificielle (deep learning), PhotoRoom vous permet de modifier vos photos de façon intuitive, rapidement et sans connaissances particulières, depuis votre ordinateur ou votre mobile (Android et iOS).
2. La fonctionnalité phare de cet outil est le détourage et le changement d’arrière-plan instantanés. De même, vous pouvez supprimer en un geste les éléments qui ne vous plaisent pas dans vos photos.
3. Conçu comme un “studio photo magique” (sic), PhotoRoom cible particulièrement les sites Web marchands et les utilisateurs des réseaux sociaux. En effet, vous pouvez mettre en valeur n’importe quel objet avec un rendu de qualité en un temps record : fonds floutés, arrière-plans prédéfinis, etc.
4. Vous pouvez ensuite adapter automatiquement vos images aux différentes plateformes et les exporter directement sur Vinted, Poshmark, Amazon, Etsy, and Shopify… mais aussi Facebook, Instagram, Pinterest, YouTube, etc.
5. Autres avantages pour les pros : le traitement simultané de séries de photos (batch mode), l’intégration de texte, l’ajout d’ombres portés, les kits de charte graphique, etc. et une meilleure qualité.
6. Depuis son lancement en 2020, PhotoRoom a connu un succès fulgurant avec plus de 100 millions de téléchargements et 17 millions d'utilisateurs actifs. Cet outil est utilisé sous forme d’API par des clients tels que Netflix, Shopify, Figma, Selency, Warner Bros… Selon l’étude publiée par le fonds d'investissement américain Andreessen Horowitz (a16z), PhotoRoom occupe la 6ème place du TOP 50 des applis Web Generative AI les plus utilisés (en nombre de visites mensuel), la première place étant trustée par ChatGPT.
7. Fin 2022, cette startup française (eh oui…) a annoncé une levée de fonds de 19 millions de dollars dans un premier tour de table (série A). Aujourd'hui, PhotoRoom est rentable, ce qui n’est pas si courant… Un beau chemin depuis leurs débuts à la Station F.
La leçon à retenir
Quand je pense à mes anciennes (et colossales) galères de détourage sur Photoshop…
Pour aller plus loin
L’essor du “price surging”
1. Le price surging (ou la dynamique des prix) désigne l’ajustement permanent des prix en fonction de l’offre et de la demande. Le produit offert est identique mais son prix varie en temps réel, un peu comme un cours de bourse.
2. Deux exemples parmi les plus connus :
Le prix des boissons : à l’inverse du principe des happy hours, ces moments “creux” où les boissons sont moins chères, se développe aujourd’hui son négatif : l’augmentation des prix le soir et le week-end. Des prix différents à quelques minutes près…
Le prix des courses de VTC, qui ne varie non plus en fonction de la distance ou de l’horaire, mais de l’offre et de la demande.
3. Le premier price surging officiel vient du monde de l’aviation. En 1983, l’administration Reagan autorise les compagnies aériennes américaines à moduler les prix de leurs vols intérieurs selon la demande. Une étude du MIT (2018) montre que cette pratique leur a permis d'augmenter leur chiffre d’affaires de 1 à 4 %.
4. Avec l’adoption de l’AI et des algorithmes, le price surging s’étend désormais à de nombreux domaines. Sans surprise, Amazon est le champion de ces pratiques : le géant du e-commerce changerait le prix de ses produits en moyenne toutes les 10 minutes, selon les données qu’il récolte en temps réel sur les demandes de ses clients mais aussi sur les prix pratiqués par ses concurrents. Plus de deux millions et demi de changements de prix auraient lieu ainsi chaque jour (source : Business Insider).
5. Les marketeurs l’adorent, les clients beaucoup moins car ils redoutent les inévitables débordements. En Italie, le gouvernement s’est attaqué cet été aux compagnies aériennes européennes pratiquant des prix exorbitants pour les vols à destination de la Sicile et de la Sardaigne. Résultat du price surging sur ces destinations : + 200 % d’augmentation pour la saison estivale. L’Espagne a pris des mesures similaires, tandis que l’Union des Aéroports Européens a demandé à la Commission Européenne de contrôler le prix des vols pour les destinations les plus prisées des vacanciers.
6. Bruce Springsteen a provoqué un tollé parmi ses nombreux fans. Lors de sa tournée de 2022, Ticketmaster a mis en place un price surging pour les concerts du Boss. Les prix se sont envolés : certains billets ont même dépassé les 5 000 dollars ! Everybody’s got a hungry heart ! L’affaire est prise très au sérieux par les rockstars. Robert Smith, le chanteur de The Cure, s’est engagé à ne pas tomber dans ces pratiques et à proposer un prix juste. Idem pour Taylor Swift qui refuse le principe du price surging malgré le triomphe de sa dernière tournée…
7. A ce rythme, le price surging pourrait bien devenir la norme. Mais c’est tout notre équilibre mental qui pourrait être en jeu car nous recherchons naturellement la stabilité, et non le changement permanent. Les prix fixes constituent des repères dans nos vies. Une variation trop fréquente, et c’est probablement dans tout le système économique que nous perdrions confiance.
La leçon à tirer
Et si on réservait le principe des happy hours aux Spritz du vendredi après-midi ?
Pour aller plus loin
Algorithms, how can they reduce competition and harm consumers, UK Competition and Market Authority
Quicklizard, l’outil pour gérer la dynamique de prix.
Springsteen's 'dynamic' ticket prices just the latest twist in Ticketmaster saga, CBC
Pay me my money down, Bruce Springsteen