L’art de la sérendipité
1. La sérendipité (serendipity en anglais) désigne la capacité à faire des découvertes par hasard. A l’origine, le terme s’appliquait à la recherche scientifique mais il recouvre désormais tous les résultats ou inventions obtenus sans les avoir recherchés.
2. Le terme “sérendipité” n’est plus un anglicisme puisqu’il a été reconnu par l’Académie française en 2004. Ce drôle de mot a été utilisé dès les années 1940 par le sociologue américain Robert K Merton fasciné par le rôle du hasard dans les sciences. Le mot fait référence au conte de fées persan Les 3 princes de Serendip, publié en 1757, dans lequel les protagonistes sont comblés de récompenses inattendues.
3. Quelques exemples remarquables de sérendipité :
Commençons par le cas le plus célèbre : la découverte accidentelle de la pénicilline par Alexander Fleming qui retrouve, après ses vacances, des boîtes pleines d’une moisissure qui semble arrêter le développement des bactéries. Heureux hasard qui a sauvé d’innombrables vies.
Daguerre et l’invention de la photo : l’inventeur découvre par hasard les effets stabilisateurs des vapeurs de mercure sur l’image positive.
Plus près de nous, le Viagra. Au début des années 1990, des tests de dilatation des vaisseaux sanguins sont menés pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires. Résultat : aucun des effets attendus ne se produit chez les testeurs qui en revanche bénéficient d’érections systématiques. En 1998, le Viagra est approuvé et officiellement commercialisé avec le succès que l’on sait.
4. Aujourd’hui, la sérendipité est une vertu recherchée par un grand nombre d’entreprises. Le principe est simple : l’innovation prospère lorsque les idées se connectent et se combinent de manière aléatoire. C’est ce que l’on appelle l’open innovation.
5. Cela semble évident ? Pourtant, depuis des décennies, les organisations “silotent” au sein de bureaux ou de laboratoires majoritairement fermés, évitant à tout prix l’erreur et l’imprévu pourtant indissociables de la sérendipité.
6. Même si le hasard joue un rôle fondamental, quelques pratiques permettent de favoriser la sérendipité :
Créer des “collisions” fortuites en mettant en place des points de rencontre informelle tels que la “machine à café” ou les espaces type “agora”.
Documenter les observations : Charles Darwin, l’un des adeptes les plus célèbres de la sérendipité, notait systématiquement ses découvertes et ses idées, même les plus anodines. Par la suite, il les classait par catégorie afin de créer un catalogue d’observation auquel il pouvait se référer à tout moment. Il pouvait ainsi lier des idées totalement différentes, que sa mémoire n’aurait peut-être pas associées.
Assurer la transmission des découvertes : la sérendipité suppose enfin une culture du réseau permettant une large diffusion des découvertes réalisées.
6. Comment pratiquer la sérendipité dans tous les domaines de notre vie ?
Dans le domaine privé : savoir s’exposer à des idées différentes. Bill Gates, le créateur de Microsoft, est connu pour ses Think Weeks pendant lesquelles il s’isole dans un lieu tenu secret, pour lire et découvrir un maximum de nouvelles idées. Simple, facile d’accès, la lecture demeure l’un des outils principaux de la sérendipité.
Dans l’entreprise : ouvrir l’espace comme dans le légendaire immeuble 20 de l’Université du MIT qui vit la naissance d’un grand nombre d’inventions. Ce simple bâtiment préfabriqué sans bureaux fermés permettait aux chercheurs de communiquer plus facilement entre eux.
Dans une société démocratique saine : s’assurer que les réseaux de communication ne sont pas étanches les uns aux autres, et que chacun est exposé à des informations de sources différentes. Il s’agit d’éviter les bulles de filtres, ces systèmes de recommandations d’informations qui ne nous proposent que des contenus similaires à ceux que nous avons déjà consultés. Chacun reste dans son bocal et il ne se passe rien…
7. La sérendipité s’avère être un outil précieux pour élargir son horizon et gagner en liberté, personnelle comme professionnelle. Certes, le hasard joue un rôle crucial mais il faut parfois l’aider en adoptant des méthodes qui deviendront ensuite des réflexes positifs.
La leçon à tirer
Laissons le dernier mot à Louis Pasteur dans son discours de 1854 : “le hasard ne favorise que les esprits préparés.”
Pour aller plus loin
La vidéo : MIT's Building 20: "The Magical Incubator" - Infinite MIT
Le livre : la sérendipité, le hasard heureux - Danièle Boursier
Sérendipité, dire et ne pas dire - Académie française
La découverte du viagra est un grand coup de chance - Le Monde
Les mines de l’espace
1. De nombreux projets sont actuellement à l’étude pour développer l’exploitation minière de la Lune, des astéroïdes ou d’autres corps plus lointains du Système solaire. Il s’agit de pallier les pénuries que nos modes de vie actuels pourraient générer en métaux, terres rares, matériaux précieux…
2. Pour produire nos batteries, composants électroniques, stimulateurs cardiaques, etc. nous avons besoin de grandes quantités de ressources non renouvelables telles que le fer, le cuivre, le lithium, le cobalt, le nickel… mais aussi de métaux précieux disponibles en très faible quantité sur Terre, par exemple l’or et les métaux du groupe du platine (iridium, osmium, palladium, platine, rhénium, rhodium, ruthénium). Cette rareté, le risque d’un super-cycle (flambée des prix lorsque la demande dépasse largement l’offre) et nos difficultés à nous approvisionner conduisent à des tensions internationales qui nous rendent très imaginatifs. Direction la Lune et les astéroïdes !
3. Les astéroïdes constitueraient une source quasi-inépuisable de métaux et de matériaux rares. Un exemple : outre une grande quantité d'or et de métaux précieux, l’astéroïde Psyché (200 km de large environ) contiendrait 50 % de métal, soit une quantité équivalant à des millions d’années de notre production annuelle mondiale de fer et de nickel. Pas étonnant que la NASA ait lancé en octobre 2023 la sonde Psyche qui devrait se placer en orbite autour de l’astéroïde dès août 2029, l’objectif étant d’en étudier la composition.
4. D’autres ressources naturelles - eau, oxygène, hydrogène, azote, silicium, carbone… - font l’objet d’études, dans la perspective d’alimenter localement des missions d’exploration spatiale de longue durée sur la Lune ou sur Mars. Ainsi, dans le cadre des programmes Artemis (programmes spatiaux habités), la NASA développe des techniques permettant de localiser, extraire, transformer et exploiter les ressources naturelles directement disponibles (In Situ Resource Utilisation, ISRU).
5. Autre ressource convoitée : l’hélium‑3. Cet isotope non radioactif de l’hélium est une source de combustible potentielle pour les réacteurs à fusion nucléaire (à ne pas confondre avec la fission nucléaire utilisée dans les centrales actuelles). Rare sur Terre, l'hélium-3 serait largement disponible sur la Lune, ce qui pourrait répondre à nos besoins en énergie pour des siècles, voire des millénaires. Encore faudrait-il que ces réacteurs soient opérationnels… Vous l’aurez compris, ce n’est pas pour demain ni après-demain.
6. La question suivante, peut-être plus cruciale encore que la faisabilité technique, est… “A qui appartiennent ces ressources ?”. Car, même si le traité des Nations-Unies sur l’espace extra-atmosphérique interdit aux nations de revendiquer la propriété d’un corps céleste, il reste possible de considérer l’Espace et les corps célestes de la même façon que les “eaux internationales” sur Terre, dans lesquelles tous peuvent venir pêcher. Dans ce flou, plusieurs pays travaillent sur un nouveau cadre législatif relatif aux activités spatiales commerciales : les États-Unis, le Luxembourg, les Émirats arabes unis… Bien sûr, la Chine, la Russie, le Japon, l’Inde et l’Union Européenne sont aussi dans les “starting blocks”.
7. Même si les perspectives d’exploitation effective des ressources spatiales sont encore lointaines, le secteur se développe autour d'acteurs majeurs. Quelques exemples parmi tant d’autres :
En 2023, la NASA s’est associée à 11 entreprises privées pour développer de nouvelles technologies d’exploration lunaire.
La Defense Advanced Research Projects Agency américaine a annoncé une association avec 14 entreprises, de la multinationale à la startup, pour étudier les besoins en infrastructure nécessaires à une “économie lunaire”.
Avec son programme Moonlight, l’agence Spatiale Européenne a lancé un appel aux entreprises européennes pour imaginer des services innovants liés au réseau de satellites lunaires.
Sans oublier les startups qui naissent comme des champignons (certaines disparaissant de même).
Vous l’aurez compris, c’est l’effervescence… que l’on pourrait expliquer par ces chiffres : selon le rapport du cabinet Northern Sky Research (2021), les 140 missions prévues vers la Lune au cours de la prochaine décennie pourraient générer 42,3 milliards de dollars, et l’économie “lunaire” pourrait atteindre les 160 milliards de dollars en 2040 (Lunar market assessment - PwC - 2021). Les couteaux s’aiguisent.
La leçon à retenir
Nous avons saccagé notre planète : faut-il vraiment aller saccager le reste de notre (proche) Univers ?
Pour aller plus loin
Le rapport du Sénat (lisible !) : Exploitation des ressources spatiales
NASA’S MANAGEMENT OF THE ARTEMIS MISSIONS - November 15, 2021
L’article Space mining startups see a rich future on asteroids and the moon
Lunar market assessment: market trends and challenges in the development of a lunar economy - PwC
Le premier incubateur au monde dédié 100 % à la Lune - TechTheMoon