Le biais d'action
1. Le biais d’action désigne notre tendance, en l’absence de solution déjà connue, à choisir automatiquement l’action, sans prendre en compte les avantages éventuels de l’inaction.
2. Dans ce cas, nos décisions sont le fruit d’une impulsion et non d’une réflexion logique construite après évaluation rationnelle des différentes possibilités. Ce biais peut conduire à des actions inutiles, voire contre-productives.
3. Certes, dans des temps immémoriaux, notre survie dépendait probablement de notre capacité à réagir vite. Aujourd'hui, les attaques de prédateurs étant quand même nettement moins fréquentes, la persistance de ces comportements serait dûe à notre éducation valorisant l’action et pénalisant l’inaction.
“L’oisiveté est mère de tous les vices.”
Exemple : un élève qui participe en classe, même pour dire des choses fausses ou peu intéressantes, sera mieux considéré qu’un élève silencieux, qui pourtant n’entrave en rien la progression de la classe.
4. Cette propension à agir serait également liée à notre besoin de contrôle. En agissant, nous reprenons le contrôle d’une situation. A l’inverse, nous agissons davantage, parfois à tort, lorsque nous avons (trop ?) confiance en nous et en nos capacités.
5. Cette préférence pour l’action peut conduire à “brasser du vent” et à prendre “l’agitation” pour de l’action réelle et efficace. Quelques exemples :
Lorsqu’on est coincé dans un embouteillage, sortir de l’autoroute pour prendre une petite route, certes dégagée mais plus longue et avec une limitation de vitesse inférieure, peut au final faire perdre encore plus de temps (et de carburant) que de patienter un peu plus longtemps.
Vendre une action dès qu’elle commence à baisser, plutôt que de l’oublier et ne rien faire jusqu’à ce qu’elle remonte (ce qui est le plus souvent le cas), peut faire perdre de l’argent sur le long terme.
6. Réfréner son envie d’agir permet de développer sa patience, sa réflexion et sa vision à long terme. En équilibrant action et réflexion, il est possible de prendre de meilleures décisions.
7. Ce biais a fait l’objet dès les années 2000 d’une étude conjointe de Richard Zeckhauser, professeur d’économie politique à Harvard, et de Anthony Patt, professeur en Politique du climat, portant (déjà !) sur les décisions prises en matière d’environnement.
La leçon à retenir
Un exemple qui parlera aux fans de foot. Un gardien de but a statistiquement plus de chances d’arrêter un ballon s’il reste au centre que s’il plonge d’un côté… ou de l’autre. Ce n’est pas moi qui le dit mais une étude très sérieuse : Action bias among elite soccer goalkeepers: The case of penalty kicks. Toutefois, imaginez la tête des supporters face à un goal restant tranquillement au centre de son but ! Conclusion : les goals plongent et certains arrivent même à plonger du bon côté. Parfois.
Pour aller plus loin
L’article scientifique originel : Action Bias and Environmental Decisions - Anthony Patt et Richard Zeckhauser
L’étude scientifique sur les biais dans la finance : The Courage of Misguided Convictions: The Trading Behavior of Individual Investors by Brad M. Barber, Terrance Odean
Le livre qui n’a rien à voir : L'angoisse du gardien de but au moment du penalty - Peter Handke (Prix Nobel de Littérature 2019)
Beworm
1. Beworm est une startup biotech allemande développant une solution novatrice de traitement du plastique.
2. A l’origine il s’agissait d’utiliser des larves pouvant “digérer” le polyéthylène, la matière plastique la plus courante.
3. En effet, certaines larves sécrètent une bactérie qui génère des enzymes décomposant ces plastiques en éléments chimiques de base.
4. Ces éléments peuvent ensuite être utilisés comme matières premières pour fabriquer de nouveaux objets, qui pourront ensuite être à nouveau “digérés” puis réutilisés, et ainsi, indéfiniment…
5. Aujourd’hui, Beworm met au point un “bio-réacteur” (sans larves) permettant de recycler nos déchets plastiques grâce à différents micro-organismes (champignons et bactéries) décomposant ces hydrocarbures à chaîne longue, en alcanes à chaîne courte. Ces alcanes peuvent être utilisés pour fabriquer de nouvelles matières plastiques, des cires ou des biocarburants.
6. Cette startup a été créée en 2019 près de Munich, par Eleonore Eisath, spécialisée en design industriel, et une petite équipe d’ingénieurs, biologistes, etc. dont une majorité de femmes (pour une fois). Elle est soutenue par des organismes tels que l’Université technique de Munich et le ministère allemand de la recherche.
7. Beworm s’attaque à un sujet toujours plus aigü : chaque année, nous produisons environ 400 millions de tonnes de déchets plastiques. Seuls 10 % des sept milliards de tonnes de déchets plastiques générés à ce jour dans le monde ont été recyclés, le reste pollue nos sols, nos rivières, nos océans et… les organismes des êtres vivants. Selon l’ONU, il y aurait 75 à 199 millions de tonnes de plastique dans nos océans.
La leçon à retenir
Finalement, “aucune larve n’aura été maltraitée durant ce recyclage".
Pour aller plus loin
La vidéo de Beworm : Our Winner Pitch at the Curious Future Insight Conference
Le site de l’Onu : Notre planète étouffe sous les plastiques
Le podcast : Disruptors for Good - Interview de Eleonore Eisath
Le Bus bike movement
1. Le Bus bike movement désigne ces initiatives citoyennes de bus scolaire “à bicyclette” grâce auxquelles, une fois par semaine, des groupes d’enfants d’école élémentaire se rendent à l’école en vélo, en toute sécurité.
2. Concrètement, les parents entourent les enfants pour constituer un “bouclier protecteur” contre les dangers de la circulation. Le groupe forme ainsi une caravane roulante multi-générationnelle.
3. Tout a commencé en 2020 en Espagne, et plus précisément à Vicin, une petite ville de Catalogne. Le mouvement (Bicibus, selon son nom local) s’est ensuite rapidement étendu à l’ensemble de la région où désormais plus de 1 200 enfants au sein de 25 villes se rendent à l’école en Bus bike.
4. Ce phénomène est rapidement devenu mondial. En mars 2023, un Bus bike Summit mondial a même vu le jour à Barcelone. On compte notamment les villes de Glasgow et de San Francisco parmi les adeptes les plus fervents. En revanche, les villes françaises sont en queue de peloton.
5. L’objectif premier est que les enfants puissent circuler en toute sécurité. Car, bien que la plupart des grandes villes aient fortement augmenté le nombre de pistes cyclables, surtout depuis la crise du Covid, le risque d’accident demeure l’obstacle numéro 1 à la pratique du vélo en ville.
Barcelone compte aujourd’hui 200 kilomètres de pistes cyclables et Paris près de 1 100 km (contre seulement 200 km en 2001).
6. Le second objectif est moins évident mais tout aussi crucial : il s’agit de lutter contre les inégalités, le transport jusqu’à l’école en étant un facteur majeur.
Certains parents n’ont pas les moyens d’accompagner leurs enfants en voiture.
Certains enfants doivent marcher à travers des zones dangereuses.
Le Bus bike encourage la mixité sociale et protège les enfants les plus vulnérables.
7. Ce mouvement illustre la place grandissante du vélo dans les grandes villes, en remplacement de la voiture. Le mérite du Bus bike est de faire adopter le vélo comme principal moyen de transport, en toute sécurité et dès le plus jeune âge.
La leçon à tirer
Ça fait bouger enfants et parents qui ont en plus le plaisir de se retrouver et de s’amuser ensemble ! Sûrement de très bons souvenirs pour l’avenir…
Pour aller plus loin
La vidéo “Kid Wheel Power”, le Bicibus de Barcelone
Peopleforbikes, le site de la communauté mondiale des adeptes du déplacement à vélo
L’étude : Comment le Covid a changé nos villes, Deborah Salon, Arizona State University
Excellente newsletter. Moi qui n'ai rien fait ce matin, ça me deculpabilise,mille mercis 😉
Bravo aux auteurs d'avoir trouvé la photo du seul arrêt de penalty d'Hugo Lloris en 145 sélections !