đŽ 7 about... le biais du risque zĂ©ro et TaĂŻwan, champion du monde du âfact checkingâ
Le biais du risque zéro
1. Le biais du risque zĂ©ro dĂ©signe notre tendance Ă prĂ©fĂ©rer les situations ne prĂ©sentant aucun risque, au dĂ©pens dâautres choix qui pourraient sâavĂ©rer plus intĂ©ressants, mĂȘme sâils incluent un risque possible mais minime.
2. Ce phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© dĂ©crit comme biais cognitif par les chercheurs amĂ©ricains Kip Viscusi, Wesley Magat et Joel Hubert en 1987. Dans leurs travaux, ils ont notamment Ă©tabli que nous serions prĂȘts Ă payer un produit ou un service beaucoup plus cher (prime de certitude) pour obtenir (ou avoir lâimpression dâobtenir) un risque zĂ©ro, mĂȘme si le risque Ă©liminĂ© Ă©tait statistiquement trĂšs faible.
3. Voici quelques exemples de ce biais :
- Le remboursement garanti : un grand classique qui ravit les commerçants (en gonflant leurs ventes et leurs bĂ©nĂ©fices) et nous rassure en tant que clients⊠Nous avons tous expĂ©rimentĂ© cette situation : nous dĂ©cidons de passer Ă lâaction (acheter quelque chose mĂȘme si nous ne sommes pas sĂ»rs du bien-fondĂ© de cet achat) uniquement parce que nous savons que nous pouvons ĂȘtre remboursĂ©s si le produit ne nous convient pas.Â
- Le paradoxe dâAllais (dâaprĂšs un article de lâĂ©conomiste français Maurice Allais) : face Ă deux options, nous prĂ©fĂ©rons choisir lâoption A zĂ©ro risque que lâoption B beaucoup plus lucrative mais comportant un risque minime.
Option A :
Gagner 100 millions de dollars à coup sûr
ou
Option B :Â
10 % de chance de gagner 500 millions de dollars
89 % de gagner 100 millions de dollars
1 % de ne rien gagner du tout
1 % de risque et nous perdons nos capacitĂ©s de raisonnement⊠Cette rĂ©action est Ă rapprocher dâun autre biais : lâaversion Ă la perte, cette tendance Ă prendre une dĂ©cision par peur de regretter, soit ce que nous avons fait, soit ce que nous nâavons pas fait.Â
4. Comme tous les biais, celui du risque zĂ©ro joue sur nos rĂ©flexes de raccourci intellectuel (et la âparesseâ de notre cerveau). Il est plus facile de concevoir le risque zĂ©ro que de faire lâeffort de calculer le risque optimal.
5. Ce biais est particuliĂšrement important dans le monde de l'entreprise car, il faut bien le reconnaĂźtre, le succĂšs dĂ©coule souvent dâune prise de risque, quâil sâagisse de crĂ©er son entreprise, de lancer un produit innovant, de sâengager sur un nouveau marché⊠Refuser le risque peut avoir pour consĂ©quence de rater des opportunitĂ©s.Â
6. Pour lutter contre ce biais, rien ne vaut le recul, loin de la tyrannie de nos Ă©motions. En dĂ©finissant de maniĂšre rationnelle ce que nous voulons obtenir, nous pouvons prendre notre dĂ©cision en fonction de critĂšres objectifs et choisir si la simple possibilitĂ© dâun risque est plus dĂ©terminante pour nous que sa faible probabilitĂ©.
7. Le biais du risque zĂ©ro a aussi un impact sur les dĂ©cisions prises dans des domaines tels que les marchĂ©s financiers, la santĂ© publique, la politique, la sĂ©curitĂ©, la gestion des entreprises... Il peut ĂȘtre difficile de trouver un Ă©quilibre entre le dĂ©sir de certitude du public et l'option optimale rĂ©elle.Â
La leçon à tirer
âQui ne tente rien nâa rien.â
âUn tiens vaut mieux que deux tu lâaurasâ.
Vieux proverbes montrant que ce dilemme est tout sauf nouveau !
Pour aller plus loin
Lâarticle originel An Investigation of the Rationality of Consumer Valuations of Multiple Health Risks - Viscusi, W. K., Magat, W. A., & Huber, J. (1987)
Lâarticle Le paradoxe dâAllais face au choix devant le risque - Louis LĂ©vy-Garboua
Notre article Lâaversion au regret - 7about.fr
TaĂŻwan, champion du monde du âfact checkingâ
1. TaĂŻwan est lâun des pays les plus attaquĂ©s par des campagnes de dĂ©sinformation au monde mais aussi lâun de ceux sachant le mieux sâen dĂ©fendre. Un exemple Ă Ă©tudier pour mieux comprendre comment rĂ©agir face Ă la guerre informationnelle qui fait rage aujourdâhuiâŠ
2. Sans surprise, la Chine est fortement suspectĂ©e dâĂȘtre lâinstigatrice principale de cette guerre informationnelle. Depuis 2016, le PDP (Parti Progressiste DĂ©mocratique) a remportĂ© trois fois de suite les Ă©lections prĂ©sidentielles taĂŻwanaises sur une ligne dâindĂ©pendance vis-Ă -vis de PĂ©kin. Des rĂ©sultats vĂ©cus comme un camouflet par les autoritĂ©s chinoises qui souhaitent intĂ©grer lâĂźle Ă la RĂ©publique Populaire de Chine et Ă son systĂšme politique... On comprend donc aisĂ©ment pourquoi les campagnes de dĂ©sinformation contre TaĂŻwan connaissent un pic au moment des Ă©lections, mĂȘme si elles sont de fait permanentes.
3. En rĂ©action, plusieurs organisations taĂŻwanaises sont devenues des expertes de la lutte contre la dĂ©sinformation, notamment Mygopen (signifiant en chinois âne nous laissons pas berner une fois de plusâ), pionniĂšre du âfact checkingâ Ă la taĂŻwanaise.
4. CrĂ©Ă©e en 2015 par lâingĂ©nieur Charles Yeh, MyGoPen compte aujourdâhui plus de 400 000 abonnĂ©s et reçoit chaque annĂ©e environ 1,3 million de demandes de vĂ©rification dâinformations. CertifiĂ©e par l'IFCN (International Fact Checking Network), MyGoPen bĂ©nĂ©ficie du soutien de Meta.
5. Dâautres grands acteurs contribuent Ă cette lutte :
TaĂŻwanFactCheck Center : crĂ©Ă© en 2017 par des journalistes, ce centre se dĂ©finit comme une âcommunautĂ© civile tech dĂ©centralisĂ©e.â
Cofacts : cette organisation fonctionne avec plus de 2 000 volontaires qui vĂ©rifient environ 650 articles par semaine, et sâest dotĂ©e de robots de vĂ©rification (code âopen-sourceâ en accĂšs libre).Â
DoubleThink Lab : crĂ©Ă©e en 2019, cette organisation ne se contente pas de lutter contre lâinfluence chinoise mais propose aussi un China Index mesurant le degrĂ© dâinfluence de la Chine dans les pays du monde entier.
6. LâIntelligence Artificielle constitue un nouveau dĂ©fi en termes de dĂ©sinformation, puisqu'elle reprĂ©sente Ă la fois une menace dâune puissance inĂ©dite et une arme de dĂ©fense. Bien maĂźtrisĂ©s, les outils dâIntelligence Artificielle permettent dâautomatiser les vĂ©rifications, de rĂ©duire les temps de rĂ©ponse et de traiter un plus grand nombre de cas de dĂ©sinformation. MyGoPen, par exemple, a mis en place de nouveaux robots, capables de traiter prĂšs de 3 000 alertes chaque jour.
7. Le gouvernement taĂŻwanais a dĂ©veloppĂ© une approche qui implique lâensemble de la sociĂ©tĂ©, que ce soit en prĂ©vention ou en rĂ©action. DĂšs quâune campagne de dĂ©sinformation est dĂ©celĂ©e, des contre-campagnes sont lancĂ©es selon le format suivant : une rĂ©ponse en 200 signes, prĂȘte dans les vingt minutes suivant lâapparition dâun contenu de dĂ©sinformation et accompagnĂ©e de deux images. Un ton humoristique est utilisĂ© pour augmenter la viralitĂ© de la rĂ©ponse qui doit ĂȘtre âfast, fair and funâ.
La leçon à tirer
âLa population de TaĂŻwan devra ĂȘtre rĂ©Ă©duquĂ©e aprĂšs la rĂ©unificationâ, a dĂ©clarĂ© Lu Shaye, ambassadeur de la Chine en France, en aoĂ»t 2022 (source BFMTV). Câest sĂ»r, ça motiveâŠ
Pour aller plus loin
Three musketeers against mis/disinformation in Taïwan - Université de Nottingham
Democracy facing global challenges - V-dem Institute
Le livre : La guerre quâon ne voit pas venir - Nathalie Loiseau
Offensive informationnelle chinoise contre TaĂŻwan - Ecole de Guerre Economique
Taiwan Slams Chinaâs Psychological Warfare Campaign - The Defense post