🔴 7 about... le champ de distorsion de la réalité, HeyGen et "dans la tête d’un patron du Fortune 500"
Le champ de distorsion de la réalité
1. Le champ de distorsion de la réalité (reality distortion field) désigne cette capacité dont disposent certaines personnes, à neutraliser comme par enchantement, nos doutes et appréhensions quant aux efforts surhumains que nous devrions fournir pour atteindre des objectifs… inatteignables. On s’en doute, ce “super-pouvoir” est particulièrement prisé par les entrepreneurs de la tech, en mal de techniques de motivation et de management.
2. Sans surprise, cette expression a été spécialement conçue pour Steve Jobs (who else ?). Dès 1981, l’un des tous premiers employés d’Apple - Bud Tribble - l’utilise pour décrire l’effet des discours de Jobs sur les personnes qu’il côtoie. Selon Tribble, l’expression viendrait de la série Star Trek, et plus particulièrement de l’épisode La ménagerie où des extra-terrestres s’emparent de l’esprit des héros, par simple force mentale
3. Recette, maestro ! Pour créer un champ de distorsion de la réalité (CDR), il faut :
Disposer d’une immense dose de confiance en soi, de l’intelligence à revendre, voire d’un peu de narcissisme.
Oser imaginer des objectifs hors du commun, à la limite du possible.
Savoir rendre ces objectifs réalistes grâce à une logique implacable.
Lorsque ces trois ingrédients sont combinés, il y a de fortes chances pour que votre auditoire vous croie, quels que soient les efforts demandés. Bravo ! Vous avez réussi à activer un champ de distorsion de la réalité.
4. L’enjeu est ici de savoir comment se prémunir face à ce phénomène ou, en d’autres termes, comment ne pas se faire avoir par un beau parleur… Si le CDR concerne un domaine que vous ne maîtrisez pas, relisez seul, à tête reposée, le texte du discours qui vous a subjugué : en effet, le CDR ne s’exerce qu’en présence de son émetteur (orateur). Si le CDR s’exerce dans votre domaine de compétence, adoptez l’attitude de Bill Gates : “Je n’étais qu’un petit magicien, comparé à lui, cet immense magicien que je voyais hypnotiser les gens. Mais, étant moi-même magicien, ses sorts n'ont jamais fonctionné sur moi.” Merci, Bill !
5. Le champ de distorsion de la réalité n’a pas que des bons ni des mauvais côtés :
Avec le CDR, les équipes se dépassent pour réaliser des prouesses que beaucoup jugeaient impossibles. Encore une fois, Apple peut servir d’exemple.
Mais le CDR peut aussi conduire à un environnement de travail toxique, fait de manipulation et de pression permanente, voire de mensonges. N’est pas Steve Jobs qui veut…
6. La différence entre visionnaire et arnaqueur est parfois ténue. Dernier exemple en date : Sam Bankman-Fried, le fondateur de FTX, la plateforme d’échanges de crypto-monnaies à la faillite retentissante. Selon lui, FTX avait pour vocation d’aller “au-delà de la monnaie” et de générer des dollars de façon infinie (infinity dollars), ce qui permettrait de résoudre les grands problèmes mondiaux : les guerres nucléaires, les pandémies... Rien que ça ! Finalement, loin de l’infini, ses clients, victimes de son CDR, ont vu leurs dollars s’évanouir comme dans un mirage.
7. Si le CDR nous fascine tant, c’est que nous avons finalement peu l’occasion d’y être confrontés puisque l’indifférence règne en maître dans les entreprises… Malgré ces éventuelles dérives, le CDR reste un remède efficace pour lutter contre l’inaction et viser des objectifs ambitieux.
La leçon à tirer
Vers l'infini et au-delà !
Pour aller plus loin
Les Stevenotes, les fameux discours de Steve Jobs
Le livre de Michael Lewis sur Sam Bankman-Fried et FTX : “Going infinite”
HeyGen
1. HeyGen est un outil utilisant l’Intelligence Artificielle pour générer facilement et rapidement des vidéos. Rien d’original ? Pas si sûr…
2. HeyGen permet de faire un doublage instantané d’une vidéo existante, en huit langues (français, portugais, anglais, allemand, espagnol, portugais, polonais, hindi), en gardant les mêmes voix, intonations et attitudes, mais en adaptant le mouvement des lèvres aux mots prononcés.
3. Plus “classiquement”, HeyGen propose une série d’avatars à customiser (vêtements notamment). Vous pouvez aussi créer votre propre avatar à partir de votre photo.
4. Vous pouvez aussi faire “parler” n’importe quelle photo ou dessin, de la Joconde à un personnage de dessin animé, le mouvement des lèvres étant synchronisé avec la voix.
5. Pour animer tout ce petit monde, vous pouvez choisir parmi plus de 300 voix dans 40 langues. Sans compter que vous pouvez créer votre propre clone vocal. Vous tapez votre texte et votre voix clonée le dira dans la langue de votre choix, avec le bon accent, le bon rythme et les bonnes intonations.
6. HeyGen utilise différentes technologies, notamment GPT-4 pour la traduction, wav2lip-2 pour la synchronisation labiale et 11labs pour le clonage vocal.
7. Basée à Los Angeles, HeyGen a été fondée en 2020 par Joshua Xu, un ancien de Snapchat, et Wayne Liang, un ancien de ByteDance (TikTok), tous deux diplômés de l’université Carnegie Mellon à Pittsburgh. Ils ont procédé à une première levée de fonds (seed money) en 2022 d’un montant de 9 millions de dollars. Un développement plus que rapide…
La leçon à retenir
Ça donne le vertige ! Outre les évidentes questions d’usurpation d’identité, on peut penser aux métiers ainsi perdus : traducteur, sous-titreur, acteur de doublage, caméraman, éclairagiste, fabricant de matériel audiovisuel, loueur de studio, monteur, dessinateur, etc. et bientôt star…
Pour aller plus loin
Dans la tête d’un patron du Fortune 500
1. Comme chaque année, le magazine Fortune a publié son “CEO Survey” (réalisée du 1er au 10 mai 2023), précieuse référence pour mieux comprendre ce qui motive les patronnes et patrons des 500 plus grandes entreprises américaines. A noter : cette année, pour la première fois dans l’histoire du Fortune 500, les femmes représentent plus de 10 % du panel.
2. Au cours des deux dernières années, les préoccupations de ces dirigeants ont porté principalement sur deux sujets majeurs :
les collaborateurs : combler la rareté des talents et résoudre le casse-tête de l’équilibre entre distanciel et présentiel.
l’inflation : éviter que ses conséquences néfastes ne se traduisent par des licenciements ou une récession.
3. En 2023, sans surprise, c’est l’intelligence artificielle qui retient leur intérêt :
59 % des patrons interrogés déclarent que leur entreprise a déjà utilisé ou au moins expérimenté l’IA Générative. Seuls 12 % indiquent ne pas prévoir de l’utiliser.
42 % estiment que l’IA n’aura pas d’impact sur l’emploi dans les 12 prochains mois.
En revanche, 74 % estiment que l’AI supprimera des emplois d’ici 5 ans.
4. La majorité (58 %) de ces chefs d’entreprises considèrent que la dimension “analyse prédictive” est la principale opportunité apportée par l’IA, contre 12 % pour la très médiatique IA Generative, au même niveau que l’automatisation robotisée des processus (RPA Robotic process automation).
5. Trois grandes questions arrivent en haut du podium des menaces perçues par ces dirigeants :
L’arrivée possible d’une récession
La cyber-sécurité
L’inflation
Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêts incite 81 % de ces décideurs à réduire les dépenses de leur entreprise.
6. Le livre le plus populaire auprès des leaders Fortune 500 ? Chip War, the fight for the world’s most critical technology de Chris Miller. Leur conseil : intéressez-vous à la géopolitique des puces électroniques. A bon entendeur…
7. Le mot le plus souvent cité pour décrire l’impact de la pandémie sur leur style managérial, reste l’empathie, furieusement tendance chez les décideurs. A en croire les déclarations du sondage tout au moins…
La leçon à tirer
A noter le faible score (6 %) des menaces liées au changement climatique et à la durabilité. “Qui veut ses plumes d’autruche ? Elles sont belles, mes plumes d’autruche !”.