Le “destiny instinct”
1. Le destiny instinct consiste à penser que des caractéristiques “innées” détermineraient de façon inéluctable la trajectoire de certaines personnes, groupes ou pays. "Ça s'est toujours passé comme ça et ça se passera toujours ainsi”.
2. Très répandu, ce biais n’en demeure pas moins dangereux : sur la base de préjugés, nous passons à côté de la réalité.
3. Prenons un exemple classique : l’Afrique, continent perçu comme pauvre et “qui le restera quoi qu’on fasse”. Or la situation change, ne serait-ce que sur un indicateur essentiel : l’espérance de vie. L’Afrique est même le continent ayant connu la plus forte augmentation au cours des vingt dernières années (Nations Unies-World Population Prospects), passant de 53 ans en 2000 à 64 ans aujourd’hui. Certes, bien des progrès restent à faire mais les faits démontrent que l’Afrique n’est en rien condamnée à un “destin de pauvreté”... et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
4. Le destiny instinct démontre surtout que nos connaissances s’avèrent vite obsolètes et qu’une actualisation régulière s’impose, sous peine de vivre dans un monde passé, celui que nous avons découvert lors de nos études, il y a… un certain temps.
5. Le destiny instinct nous renvoie aussi à notre conception erronée du changement que nous imaginons rapide et visible, rythmé par des événements exceptionnels comme le 11 septembre ou la chute du mur de Berlin. En réalité, les évolutions se font à petits pas, imperceptibles, lents mais constants. Résultat : les technologies, les sociétés, les cultures changent sans que nous nous en apercevions.
6. Pour lutter contre les effets du destiny instinct, quelques recettes simples :
Mieux prendre en compte les “petits” changements : accumulés sur plusieurs années ou décennies, ils peuvent avoir de grandes conséquences.
Accepter le fait que nos connaissances deviennent obsolètes plus rapidement que nous aimerions le croire.
Enfin, discuter avec les “aînés”. Une saine piqûre de rappel pour mesurer à quelle vitesse les conceptions du monde changent et continueront à changer.
7. Le Destiny instinct a été théorisé par le statisticien de génie Hans Rosling et développé dans son best-seller Factfulness dont nous reparlerons plus loin. Stay tuned !
La leçon à tirer
Retournons vite à nos chères études !
Pour aller plus loin
Cultures, Nations and Religions are not rocks, they are always changing, Hans Anna et Ola Rosling.
L’espérance de vie bondit en Afrique, Le Point
Dollar Street
1. Dollar Street est un site de photographies montrant des familles “réelles” dans le monde entier, réprésenté ici sous la forme d’une rue dans laquelle les plus riches vivraient sur le côté droit, les plus pauvres sur le côté gauche.
2. Dollar Street présente environ 300 familles dans une cinquantaine de pays, ce qui correspond à 30 000 photos et 10 000 vidéos, du Nyanmar à la Suède, du Burundi à la Bolivie.
3. Ces familles sont “choisies” en fonction de critères économiques et sociaux, symbolisés par leur revenu mensuel exprimé en dollars. Un photographe professionnel passe ensuite une journée avec eux, captant leur vie quotidienne, de leur brosse à dent à leur façon de cuisiner, en passant par leurs amoires, leurs jouets, leurs rêves… Toutes ces petites choses qui font une vie.
4. Nous avons ainsi la possibilité de découvrir - au delà des stéréotypes et des clichés - les habitants de notre planète, tous les habitants, même ceux que nous ne connaîtrons jamais directement car nous en sommes radicalement éloignés géographiquement, économiquement ou culturellement.
5. Créatrice de Dollar Street, la designeuse suédoise Anna Rosling Rönnlund a pour objectif d’aller au delà des statistiques et de rendre réelles les données caractérisant nos modes de vie, en commençant par le PNB par habitant, notion souvent abstraite pour le commun des mortels.
6. Un peu d’histoire… Avec les célèbres statisticiens Hans Rosling et Ola Rosling, Anna Rosling Rönnlund a développé le logiciel Trendalyzer qui permet de traduire des statistiques en graphiques animés. Lorsque ce logiciel a été racheté par Google en 2007, ils ont continué à développer leur fondation - Gapminder - une organisation à but non lucratif dont la mission est de lutter contre les idées préconçues et fausses que nous traînons tous plus ou moins. Ce qui inclut le projet Dollar Street.
“Avec plus de 35 millions de vues, ses conférences TED ont fait entrer [Hans Rosling] en 2012 dans le classement des 100 personnes les plus influentes du monde par le magazine Time”.
Source : Flammarion
7. Hans Rosling, Anna Rosling Rönnlund et Ola Rosling sont également les auteurs du bestseller international Factfulness, vendu à plus de 2,5 millions d’exemplaires dans 45 langues. L’idée est simple : il ne faut fonder ses opinions que sur des faits, rien que des faits ! Pas très à la mode en ce moment…
La leçon à retenir
Passionnant ! Je ne résiste pas à vous recommander leur test : You are probably wrong about… Edifiant !
Pour aller plus loin
Le livre Factfulness de Hans Rosling, Ola Rosling, Anna Rosling Rönnlund
Les TED talks de Hans Rosling
La “captology”
1. La captology (Computers As Persuasive Technologies) est l’étude des technologies numériques en tant qu’outils modifiant nos pensées et nos comportements. Ce domaine de recherche, encore peu connu, permet de mieux comprendre comment des sites web ou des applications sont conçues pour nous “persuader” d’agir d’une certaine façon.
2. Professeur de sciences comportementales à l’Université de Stanford, épicentre de la Silicon Valley, l’inventeur de ce concept, B.J. Fogg a créé le Behavior Design Lab pour enseigner cette nouvelle discipline.
3. Surnommé le millionaire maker, B.J. Fogg doit son sobriquet aux nombreuses startups passées par son Lab, dont les dirigeants ont appliqué avec succès ses enseignements. Un exemple ? Mike Krieger, cofondateur d’Instagram dont la toute première version (2006) était un projet pour le cours de B.J. Fogg. Ça fait réfléchir…
4. Autre ancien élève : Tristan Harris, ex-Google et fondateur du Center for Humane Technology. Délaissant la voie royale de la tech, ce lanceur d’alerte dénonce les effets nocifs de la captology : les grands acteurs de la technologie en seraient devenus des experts afin de mieux pouvoir influencer le comportement des utilisateurs, même à leurs dépens.
5. De la persuasion à l’accoutumance, il n’y a qu’un pas. La technologie est désormais reconnue comme source de dépendance au même titre que l'alcool, la drogue ou le jeu. Affectant nos systèmes de plaisir, elle peut être utilisée pour fuir l’ennui, faciliter les interactions sociales ou échapper à la réalité.
6. Deux phénomènes renforcent les risques de dépendance :
Le renforcement positif intermittent, c’est-à-dire les récompenses non prévisibles. L’imprévisibilité de la récompense crée l’excitation qui, elle-même, devient addictive.
Exemple dans la vie “réelle” : les machines à sous.
Exemple dans le monde digital : les “Likes” (combien vais-je gagner de Likes avec cette photo ?). A première vue anodine, cette pratique est aujourd’hui considérée comme une véritable source de dépendance technologique. Une drogue dure…
L’approbation sociale. Notre besoin viscéral d’appartenance à un groupe nous entraîne à avoir de plus en plus “d’amis” en ligne, à leur faire savoir ce que nous faisons et à réagir aux événements de ces mêmes “amis” qui, en en retour, confirmeront notre existence en tant que membre du groupe, et ainsi de suite…. Difficile de s’arrêter, non ?
“It’s a social-validation feedback loop … exactly the kind of thing that a hacker like myself would come up with, because you’re exploiting a vulnerability in human psychology.”
Sean Parker, premier président de Facebook (à propos de l’introduction de la fonction Like en 2009)
7. Ces techniques de persuasion sont désormais intégrées dès la conception des sites ou applications, et sont souvent à la source même de leur succès. Les grands acteurs de la tech se sont trouvé un surnom parfaitement clair : les producteurs de tabac en T-shirt. Mieux vaut donc apprendre à (re)connaître ces techniques pour éviter d’en être les victimes non consentantes.
Et on ne peut s’empêcher de conclure avec Bill Maher, humoriste américain :
“Philip Morris just wanted your lungs. The App Store wants your soul.”
La leçon à tirer
Surtout que cela ne vous empêche pas de nous liker ! Je plaisante bien sûr… ou pas.
Pour aller plus loin
Comprendre le Persuasive Design - 7about
Le livre indispensable pour éviter l’accoutumance technologique : Digital Minimalism de Cal Newport
L’interview de B.J. Fogg, O32C Magazine
Technology addiction, Hazelden Betty Ford foundation
Bonjour ,
Meilleurs vœux à tous .
Le"destiny instinct" Sujet intéressant, ou l'on parle d’instinct et de caractéristiques innées.
En reprenant la définition de ces mots,
Instinct : Tendance innée et puissante, commune à tous les êtres vivants ou à tous les individus d'une même espèce.
Innées : Que l'on a en naissant.
Ce sujet n'englobe pas tous les êtres vivants, il ne parle que des humains.
Les animaux suivent à mon sens de façon inéluctable cette trajectoire. Il en va de leur survie
"Les hirondelles font des milliers de kilomètres pour aller vers des zones plus chaudes, ils reviennent aux printemps pour nicher dans le même nid ".
Les tortues viennent pondre dans le sable . etc
Ce rituel n'a pas varié il me semble.
L’homme a t’il eu en naissant ce genre de caractéristiques jadis ? Si oui que sont elles devenues ?