🔴 7 about... le “green script” d’Alfred Hitchcock, le "ugly baby" de Pixar et le projet Blanche Neige d’Airbnb
“Best of” Spécial fêtes ! Pour finir l’année en beauté, nous avons fait un petit tour à Hollywood où la créativité se double d’une efficacité redoutable… Une bonne source d’inspiration pour l’année à venir !
Le “green script” d’Alfred Hitchcock
Bien sûr, on ne présente plus Alfred Hitchcock, maître incontesté des scénarios à couper le souffle : une cinquantaine de films dont une majorité de chefs-d'œuvre, quarante-six nominations aux Oscars et surtout un final - Psychose - qui, soixante ans plus tard, nous donne encore des sueurs froides...
En revanche, sa technique de double scénario est beaucoup moins connue, alors qu’elle peut nous en apprendre beaucoup sur la façon de captiver un public, que ce soit en présentation, en entretien d'embauche ou... dans une salle de cinéma.
Pour chaque film, Alfred Hitchcock travaillait sur deux scénarios distincts : le scénario bleu et le scénario vert ("blue script, green script").
Le scénario bleu contenait tous les éléments traditionnels d’une histoire : personnages, dialogues, rebondissements, instructions de tournage...
Le scénario vert, plus original et moins fonctionnel, détaillait chacune des émotions que devaient ressentir les spectateurs lors d’une scène.
Pour chaque scène, Hitchcock se demandait : "does the shot sell?". La scène provoque-t-elle l’émotion escomptée, telle que décrite dans le scénario vert, véritable fil conducteur “émotionnel” ?
Car, aux yeux d’Hitchcock, son film n’était réussi que si le public ressentait exactement ce qu'il avait prévu, au moment où il l'avait prévu. Pour lui, c'est dans le cerveau du spectateur, plus que sur l'écran, que se joue le succès d'un film.
Ce secret de fabrication bien gardé peut s'appliquer à chaque fois que nous préparons une intervention. En rédigeant nos propres "green scripts" et en anticipant les émotions que nous souhaitons provoquer, nous pouvons être plus convaincants et “vendeurs”. Hitchcock nous rappelle une évidence : c’est dans la salle bien plus que sur l’écran que tout se joue.
"People will forget what you said, people will forget what you did, but people will never forget how you made them feel." Maya Angelou
Le "green script" d'Hitchcock s'inscrit dans une tendance bien connue : l'émotion comme force majeure de conviction. On veut que l'on nous raconte des histoires, que l'on nous surprenne, que l'on nous fasse passer par tous les sentiments... Surtout que l’on nous évite l’ennui !
La leçon à retenir
On achète des histoires, des émotions… Pas des produits ou des services !
Pour aller plus loin
Le livre à lire : Hitchcock par Truffaut
La vidéo de Hitchcock à voir : "Comment maîtriser la tension ?"
Le top 10 des films de Hitchcock
Le “ugly baby” de PIXAR
Le Ugly Baby est l'un des secrets de fabrication de Pixar qui explique le mieux son phénoménal succès créatif et commercial. Ed Catmull, le fondateur du studio, en livre tous les détails dans son excellent livre Creativity Inc.
"Montre tôt et montre souvent". Le Ugly Baby consiste à montrer un premier brouillon des histoires le plus vite possible pour évaluer le fond et non pas la forme. Cela paraît évident mais ne pas se soucier de la forme lorsque l'on montre son travail pour la première fois est contre-intuitif pour la grande majorité d'entre nous.
Braintrust. Chaque auteur montre son Ugly Baby à un braintrust composé d'autres auteurs Pixar. Ce travail collectif évite à l'auteur de se perdre dans un long processus solitaire et auto-centré.
Se protéger du perfectionnisme. Le Studio protège ses auteurs contre toute culture du perfectionnisme. Pixar a constaté que plus l'idée est originale, moins sa forme est aboutie. Il faut donc protéger les meilleures idées. Ce sera beau à la fin, mais entre-temps, ce sera moche et on l'assume. Pixar utilise l'image de la chenille (moche) qui à la fin devient un papillon (beau).
Un maximum d'histoires. En évitant la pression de l'esthétique, le studio peut créer davantage d'histoires, ce qui augmente ses chances d'avoir de bonnes histoires, qui se transformeront ensuite en beaux papillons.
Un modèle économique. Le potentiel d'une histoire est détecté plus vite que dans les autres studios. Pixar sélectionne au plus tôt les idées dans lesquelles investir, et abandonne à moindres frais celles qui ne fonctionnent pas.
Une startup de 200 000 personnes ? On retrouve la culture du Ugly Baby dans les startups et les entreprises les plus innovantes. Sauf que Pixar, c'est le modèle à grande échelle, au sein de Disney (plus de 200 000 personnes !) qui en a fait l'acquisition en 2006 et qui s'est renouvelé depuis en travaillant à la Pixar.
La leçon à retenir
Une bonne idée sera belle à la fin. En attendant, elle est moche et on s'en fiche !
Le projet Blanche Neige d’Airbnb
1. Si on ne présente plus Airbnb, on connaît beaucoup moins ses méthodes de travail, notamment son recours à la technique de storyboarding utilisée en 1937 par Walt Disney pour son premier long métrage : Blanche Neige et les 7 nains.
2. Airbnb et Blanche Neige, quel est le rapport ? Tout commence pendant les vacances de Noël de Brian Chesky, cofondateur et dirigeant d’Airbnb. Profitant de ses congés pour lire la biographie de Walt Disney, Brian Chesky décide de s’inspirer de ses méthodes pour concevoir les nouveaux services mobiles d’Airbnb.
3. Retour dans les années 1930. Alors qu’il rencontre un succès fulgurant avec ses petits dessins animés, Walt Disney souhaite changer d’échelle en produisant des longs métrages d’animation. Du jamais vu à l’époque. Pour réussir ce pari, Walt Disney va travailler avec des storyboards, décrivant en quelques séquences dessinées et légendées, les moments clés de l’histoire, les décors et les personnages principaux.
4. Considérant que le passage au mobile est un défi similaire à celui de Walt Disney avec les longs métrages, Brian Chesky lance, pour imaginer la future application d’Airbnb, le projet de storyboarding “Snow white”, pour lequel il recrute un spécialiste de Pixar : Nick Sung.
5. Pour Chesky, le storyboarding doit permettre à Airbnb de mieux appréhender les futures expériences de ses “personnages” et de modéliser le point de vue utilisateur (visiteur et hôte).
6. Airbnb découvre alors la double magie du storyboard :
Les moments de vérité : le nombre limité de séquences (10 maximum) oblige les équipes à se concentrer sur les moments qui comptent vraiment pour les utilisateurs.
La machine à décision : plus ces moments de vérité sont décrits précisément, plus les prises de décision seront faciles et rapides.
7. Avec le projet Snow white, Airbnb envoie un message contre-intuitif à tous les acteurs du digital : l’innovation commence par des mots et surtout par l’histoire de vos utilisateurs. Aujourd’hui encore, les storyboards de Blanche Neige occupent une place de choix sur les murs des locaux d’Airbnb, à San Francisco.
La leçon à retenir
Un stylo, du papier et une bonne histoire. Personne ne peut en faire l’économie, pas même les géants de l’Internet…
Pour aller plus loin
L’interview de Brian Chesky sur le storyboarding chez Airbnb (Podcast Master of Scale)
The way we build, les méthodes de travail d’Airbnb par Airbnb
L’importance des Storyboards, par Explain Ninja
La vidéo à voir : How Snow White helped Airbnb’s mobile mission, par les équipes de Airbnb