Pour célébrer cette courte pause enneigée, voici deux de nos articles préférés et notre bande-son parfaitement (in)dispensable : The Yodeling Song, The Yodel song, Etoile des neiges et… Pays merveilleux.
Bonne lecture et à vendredi prochain pour de nouvelles aventures !
Le Hepeating ou rendre à Césarine ce qui appartient à Césarine…
Aujourd’hui, petite leçon de vocabulaire… Commençons par le “hepeating” avant de poursuivre avec le “mansplaining” et le “manterrupting”.
1. Le “hepeating” (HE-peating au lieu de RE-peating) est ce phénomène étrange par lequel une idée - brillante bien sûr - passe inaperçue lorsque c’est une femme (SHE) qui l’exprime, mais devient digne d’intérêt lorsque l’un de ses collègues ou amis (HE) l’exprime quelques minutes après elle.
2. En clair, le “hepeating”’est l’appropriation par un homme des commentaires ou idées d’une femme, celui-ci en retirant tout le mérite comme s’il en était le véritable auteur.
3. Cette attitude peut - parfois - être inconsciente car elle s’inscrit dans un contexte culturel où les hommes sont “éduqués” à s’imposer et les femmes à écouter.
4. Comment tenter d’y remédier ? Quelques pistes…
En faire prendre conscience : discussions, articles, affichettes dans l’espace café…
Rappeler que VOUS êtes à l'origine d’une idée ou d’un commentaire : “comme je le disais tout à l’heure...”.
Soutenir votre collègue femme ou votre amie, en mentionnant que cette idée ou ce commentaire était initialement le sien : “merci d’avoir relayé l’idée de madame XXX…”.
Préparer à l’avance des formules élégantes mais fermes... et les apprendre par cœur pour ne plus jamais être pris(e) au dépourvu, même quand la moutarde vous monte au nez !
5. Le “hepeating” n’est pas seul au monde et est même très bien accompagné :
le "mansplaining" lorsqu’un homme vous explique avec condescendance ce que vous savez déjà, voire ce que vous venez vous-même d’expliquer ou que vous pratiquez chaque jour dans votre job ;
le “manterrupting” lorsqu’un homme non seulement vous coupe la parole mais continue à parler en même temps que vous...
6. Ces phénomènes sont nocifs pour toute la société car, malgré leur excellente réussite scolaire (les filles ont de meilleurs résultats que les garçons) et souvent un début de carrière remarquable, les femmes se découragent et finissent par se retirer de la compétition. Une vraie perte de richesses…
7. Un commentaire, une idée “volés” ? Et que dire des travaux de toute une vie ? Même Marie Curie a failli ne pas avoir son premier Prix Nobel, attribué dans un premier temps uniquement à son mari (et à Henri Becquerel) ! Heureusement, un second Prix Nobel lui fut décerné en propre pour l’ensemble de ses travaux, quelques années plus tard. Le jour où l’épouse d’un “grand homme” recevra une récompense à sa place…
La leçon à tirer
En attendant, nous pouvons tous faire “l’exercice du miroir” : inverser les rôles lorsqu’une situation nous semble “étrange”… Un bon révélateur de discrémination ordinaire.
Pour aller plus loin
Le livre de Iris Bohnet, professeur à Harvard : What Works - Gender Equality by Design
Le livre hilarant de Sarah Cooper : How to Be Successful without Hurting Men's Feelings: Non-threatening Leadership Strategies for Women
Méfiez-vous des quiet dark horses !
Le plus souvent ignorés ou sous-estimés dans les organisations, les “quiet dark horses”, taiseux, discrets, parfois invisibles, peuvent révéler bien des surprises…
1. Commençons par une définition… Le concept du dark horse est apparu en 1831 dans le roman The young Duke de Benjamin Disreali. Un cheval noir auquel personne n’avait fait attention, gagne la course par surprise, en dépassant au dernier moment tous les favoris. Nous allons nous intéresser ici aux quiet dark horses, une espèce particulièrement redoutable en entreprise car personne ne les voit - ni ne les entend - venir.
2. Pourquoi ignorons-nous les quiet dark horses et autres taiseux, silencieux, introvertis… ? Parce que nous interprétons leur discrétion comme le signe d’une absence de pouvoir. A l’inverse de ces personnages volubiles et sûrs d’eux auxquels nous prêtons naturellement un pouvoir dont ils ne disposent pas toujours. Difficile ensuite de revoir notre jugement en raison de l'effet d’ancrage dont nous avons déjà parlé, même si notre première impression s'avère erronée.
3. Qui sont les quiet dark horses ? Loin de l'imagerie hollywoodienne mettant en scène des comploteurs de l’ombre, il peut s’agir :
de dirigeants qui, sans contribuer directement, disposent d’un droit de veto et souhaitent donc être au courant ;
de managers peu expérimentés ou frôlant l’incompétence (principe de Peter) qui préfèrent se taire plutôt que de dire des âneries…
de personnes qui, sans avoir de pouvoir de décision immédiat, ont un rôle essentiel par leur expertise ou leurs compétences. Une fois la réunion passée, c’est eux qui émettront des recommandations ou mettront en œuvre (ou non) ce qui a été décidé.
4. Mais alors, pourquoi sont-ils silencieux ? Toutes les combinaisons sont possibles, de la personne introvertie redoutant de prendre la parole (ce qui ne l’empêche pas de penser !), au sage aimant analyser dans le calme, au stratège attendant le moment opportun où sa parole aura le plus d’impact, ou encore à l’extraverti convaincu qu’une parole rare est un signe de compétence.
5. Comment éviter le faux-pas ?
Mener quelques recherches préalables : qui allons-nous rencontrer ? Quel rôle ? Quel impact sur notre activité ?
Au cours de la réunion : garder en tête que les personnes silencieuses autour de la table peuvent détenir des informations intéressantes, voire cruciales. Ne pas hésiter à faire un tour de table…
Et même si les quiet horses présents n’ont pas de responsabilités directes, leur simple présence est une source d’informations. Vos interlocuteurs se sentiraient-ils en position de faiblesse, au point de grossir artificiellement leurs rangs ? S’ils sont encore peu expérimentés, peut-être laisseront-ils filtrer des informations que d’autres sauraient garder pour eux… Sans compter que nul ne peut présager de l’avenir : ces personnes poursuivront leur carrière et se souviendront peut-être du jour où vous les avez traitées avec respect et intérêt lorsqu’ils étaient “tout petits”.
Enfin, pourquoi ne pas amener vos propres quiet horses qui pourront vous faire un débrief complet après la réunion ? Ils auront eu tout le loisir d’observer ce que vous n’avez pu “capter” lorsque vous étiez “sur scène”...
6. Un exemple savoureux… Le célèbre accélérateur Y Combinator a été fondé par Paul Graham et Jessica Livingston, tous deux opérationnels au quotidien, auxquels se sont ajoutés Robert Morris et Trevor Blackwell, en renfort pour les interviews et la sélection des dossiers. Etant une femme, Jessica Livingston était souvent prise par les “candidats” pour la secrétaire et était le plus souvent ignorée, d’autant plus qu’elle déteste se mettre en avant. Pourtant, une fois l’interview terminée, les trois autres fondateurs de Y Combinator se tournaient vers elle : “Alors ?”. Et c’est elle, la silencieuse qui avait eu tout le loisir d’observer les candidats et de réfléchir dans le calme, qui donnait la décision finale. Et quand on connaît les succès colossaux auxquels ont mené les choix de Y Combinator…
7. Enfin, quid de Tim Cook, le plus célèbre des quiet dark horses ? Personne n’imaginait que ce discret introverti réussirait à prendre la relève après la disparition de Steve Jobs. Dix ans plus tard, il a fait gagner à Apple 700 millions de dollars de valorisation par jour ! Pas mal, non ?
La leçon à retenir
Et si on arrêtait de se fier aux apparences, aux clichés et aux stéréotypes ? Qui serait assez fou pour croire qu’une vieille dame affublée d’un chapeau jaune citron puisse détenir un quelconque pouvoir ?
Pour aller plus loin
L’article de Paul Graham sur le rôle de Jessica Livingston
Notre article Eloge des “refounders” - 7about.fr