Le “métagame”
1. Non, il ne s’agit pas d’un nouveau jeu sur Facebook, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus intéressant et utile pour nous tous... Le métagame, c’est prendre du recul, analyser une situation dans son ensemble, en comprendre les règles et normes explicites comme implicites, puis créer une stratégie qui les utilise à notre avantage.
2. Cette méthode n’est pas nouvelle : les Romains la pratiquaient déjà dans leur conflit avec Carthage au IIIème siècle avant JC. La principale force des Romains résidait alors dans l’efficacité de leur infanterie et leur science du corps-à-corps. Plutôt que de se lancer dans des batailles navales qu’ils risquaient fort de perdre, ils construisirent un système d'abordage leur permettant de “déverser” leurs soldats sur le bateau ennemi, qui pouvaient ainsi se battre comme sur la terre ferme. Ils ont donc joué sur leur force tout en exploitant la faiblesse de leur ennemi.
"Chaque bataille est gagnée avant même d'être livrée”. Sun Tzu
3. Quelques exemples emblématiques :
Warren Buffett qui garde la tête froide et investit dans le sens opposé au reste du monde : il achète quand le gros des investisseurs a peur et vend quand l'euphorie est à son comble. Cette tactique lui a assuré quelques gains…
Coco Chanel (eh oui) qui ne pouvant rivaliser avec les robes luxueuses de Poiret, choisit de faire des robes avec un tissu, le jersey, dont personne ne voulait car pas assez noble. Finalement, ce choix purement personnel et opportuniste correspondait aux attentes du moment, et a été à la source de son succès.
Dans un domaine tout autre, Bill Belichick, peut-être le meilleur entraîneur de l'histoire de la NFL (football américain), préfère se séparer de joueurs stars bientôt sur le déclin, même si cette décision est très impopulaire, pour pouvoir se “payer” de jeunes joueurs inconnus mais plus efficaces…
4. Comme le montrent ces exemples, on peut appliquer le metagame à tout système où il existe des normes, qu’il s’agisse de sport, de business, de marketing, de technologies… Analysez vos concurrents, comprenez leurs stratégies et adaptez votre approche pour les contrer ou les surpasser.
5. Aujourd’hui, la masse de données dont vous pouvons facilement disposer nous permet de “voir” au-delà des tendances évidentes et de mettre en place des tactiques originales.
6. Dans notre vie professionnelle, voire personnelle, le fait d'anticiper les tendances nous permet de faire des choix jugés comme “audacieux” mais qui peuvent s’avérer payants : se former dans un secteur auquel personne ne croit (encore), acheter une résidence secondaire dans un lieu pas (encore) à la mode, investir dans des pièces de design d’une période (encore) détestée, etc.
7. Enfin, le métagame peut aussi s’appliquer aux relations interpersonnelles : prendre du recul, analyser, créer une stratégie en tirant partie des règles implicites… et voilà comment éviter l’éternelle dispute familiale du dimanche midi ou les frictions avec nos amis perpétuellement en retard.
Le leçon à retenir
Ca peut avoir du bon d’être le mouton noir du troupeau…
Pour aller plus loin
L’étude scientifique Towards a typology of metagames
L’inutilité du surlignage
1. Si vous faites partie des surligneurs compulsifs, arrêtez tout ! Cela ne sert à rien. Des études ont montré qu’il s’agissait de l’une des “méthodes” d’apprentissage les moins efficaces.
2. Ce n’est pas moi qui le dis mais la très sérieuse “Association for Psychological Science” dans un rapport dirigé par John Dunlosky, professeur à la Kent State University, qui classe par ordre d’efficacité les tactiques d'apprentissage les plus courantes.
3. Non seulement le surlignage n’aide pas à mémoriser mais il peut même entraver l'apprentissage car il attire l'attention sur des faits individuels, et non sur des liens logiques.
4. Autre méthode tout aussi peu recommandée : la relecture qui ne permet pas non plus de mémoriser durablement des informations.
5. Un peu mieux mais pas encore le summum : les associations d’images, les mots clés mnémotechniques et, plus surprenant, le résumé. On peut supposer que cela inclut les sacro-saintes fiches que nous avons rédigées religieusement pour passer le bac…
6. Nous entrons maintenant dans l’excellence avec l’apprentissage étalé dans le temps : vous apprenez une première fois, révisez une fois, deux fois, et ainsi de suite. Plus l’intervalle est long entre deux révisions, plus longtemps vous vous souviendrez de ce que vous avez appris.
7. Passons enfin à la crème de la crème, à savoir l’interro, le test, le quiz, bref la mise sur le grill de ce que nous venons d’apprendre. C’est en répondant à des questions sur les connaissances que nous venons d’acquérir que nous mémorisons le plus efficacement. A bon entendeur !
La leçon à retenir
“Work smarter, not harder.”
Pour aller plus loin
Brève histoire du Powerpoint
1. Chaque jour, plus de 35 millions de présentations Powerpoint sont partagées (ou le plus souvent infligées) à plus de 500 000 millions de personnes dans le monde (source : Poll-everywhere). Powerpoint fait partie intégrante de notre paysage professionnel. Pourtant, son histoire - récente - est peu connue.
2. Les fans de George Orwell y seront sensibles : Powerpoint a vu le jour en 1984. Outre les coiffures extravagantes, 1984, c’est aussi l’essor du Mac, des ordinateurs personnels et des premières interfaces graphiques. Robert Gaskins, l’inventeur de Powerpoint, a eu l’intuition que l’adoption des ordinateurs personnels entraînerait le besoin de concevoir ses propres présentations. Bien vu ! Embauché par Forethought Inc, Gaskins transforma son idée en produit un mois plus tard, en s’inspirant du format des diapositives photos utilisées à l’époque. Le logiciel devait s’appeler Presenter mais le nom était déjà déposé. C’est sous la douche, selon Gaskins, que lui serait venu le nom de Powerpoint, en référence aux lignes de force de la peinture et de la photographie.
3. Dans le même temps, les ingénieurs de Microsoft travaillaient à un projet similaire. Pourtant, devant le succès du lancement de Powerpoint, ils décidèrent en juillet 1987 de faire une proposition de rachat que Forethought Inc n’a pas pu refuser. Powerpoint devint ainsi la propriété de Microsoft.
4. En 1992, Gaskins et Microsoft passent à une nouvelle étape : le Powerpoint affiché par vidéo-projection. La première mondiale se tient à Paris, à l’hôtel Regina, face au Louvre et au jardin des Tuileries. Devant un parterre de managers Microsoft, Gaskins présente pour la première fois un document Powerpoint diffusé sur écran vidéo depuis un ordinateur portable. Pour cette première sous les applaudissements d’un public médusé, il aura fallu 48 heures de préparation, une équipe de quatre personnes et un projecteur à 100 000 dollars.
5. Depuis, Powerpoint a conquis le monde : il est non seulement utilisé dans les bureaux mais également dans les écoles, les églises, et même pour les mariages et les enterrements. En 2010, Microsoft annonce que Powerpoint est installé sur plus d’un milliard d’ordinateurs dans le monde.
6. Le chartjunk, le revers de la médaille. Powerpoint compte de nombreux détracteurs dénonçant une épidémie de chart junk, à savoir un ramassis de présentations qui enchaînent des slides de mauvaise qualité, dénuées de sens véritable. Deux chiffres à retenir : près de la moitié des présentateurs consacrent huit heures en moyenne à concevoir une présentation Powerpoint alors que 89 % des participants avouent décrocher de ces mêmes présentations au bout de dix minutes (source : University of Washington). Tout ça pour ça ! Selon Edward Tufte, un statisticien reconnu pour la qualité de ses représentations statistiques, Powerpoint serait responsable de l’explosion de la navette Columbia en 2003, et aurait même contribué à la décision d’envahir l’Irak en 2003. Il le résume d’une formule glaçante : Death by Powerpoint. Gaskins lui-même dresse un constat amer de la qualité des présentations Powerpoint. Il ne remet pas en cause l’outil (on ne va pas renier son bébé quand même !) mais plutôt le manque de goût généralisé des présentateurs.
“More business and academic talks look like poor attempts at sales presentations.” - Gaskins
7. Malgré ses défauts reconnus, nous ne sommes pas près d’être débarrassés des présentations Powerpoint. En effet, 90 % de l’anxiété ressentie à la perspective de faire une présentation en public provient de la peur de ne pas l’avoir assez bien préparée (source : business insider). Powerpoint répond parfaitement à cette appréhension : en multipliant les slides, nous avons l’impression de mieux contrôler notre intervention. Résultat : cet outil capte 89 % du marché mondial de la présentation, estimé à 3,5 milliards de dollars.
La leçon à tirer
Certains esprits moqueurs prétendent même que bien des personnes préféreraient présenter nues que sans slides ! Source non vérifiée…
Pour aller plus loin
Nancy Duarte : The secret structure of great talks
L’anti Powerpoint d’Amazon : le six-pager
Mad Men : la scène culte de la présentation Kodak ou l’art de la présentation avant Powerpoint
L’hôtel Regina, le lieu de la toute première présentation mondiale de Powerpoint, dans une ambiance Art Déco unique
Le livre d’Edward Tufte, l’anti Powerpoint : Visual display of quantitative information
La toute première présentation du futur Powerpoint par Robert Gaskins en 1984
Top 10 tools for increasing audience engagement - The Slide Lizard
La plus grande présentation “business” de tous les temps n’a pas été faite sur Powerpoint mais sur Keynote : l’annonce de l’Iphone par Steve en Jobs en 2007…