🔴 7 about... le “planning fallacy”, l’effet Dunning-Kruger et le JOMO (Joy of Missing Out)
“Best of” Spécial fêtes ! Cadeau !
Nous avons sorti de nos archives quelques articles qui, espérons-le, vous aideront à affronter cette période pleine de joie et parfois de stress (grrrr). Pour commencer, le “planning fallacy” ou comment éviter d’être (enfin) prêts pour fêter Noël le… 26 décembre, puis l’effet “Dunning-Kruger” pour supporter le beau-frère (au hasard) qui sait toujours tout sur tout et enfin, pour les plus réfractaires, le JOMO (Joy of Missing Out), ce bonheur indicible de rater toutes ces belles fêtes auxquelles nous n’avons pas envie d’aller. Bref, joyeuses fêtes (si, si…) !
Le “planning fallacy”
Il faut bien le constater : nos évaluations de planning sont généralement fausses. Est-ce grave, docteur ? Oui car, en bons petits soldats, nous persistons dans notre erreur et nous terminons invariablement non seulement en retard mais aussi… épuisés !
Le planning fallacy décrit notre tendance à sous-évaluer le temps nécessaire pour réaliser une tâche, même si nos expériences passées contredisent ces prévisions.
Décrit en 1979 par les psychologues et pionniers de l’économie comportementale Amos Tversky et Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie 2002 pour ses travaux sur la théorie des perspectives), ce phénomène concerne non seulement le temps mais aussi les coûts et les risques.
Nous souffrons de ce biais d’optimisme uniquement pour nos propres réalisations. En revanche, lorsqu’il s’agit d'évaluer les projets d’autres personnes, nous faisons preuve de pessimisme et identifions beaucoup mieux les écueils potentiels.
Le planning fallacy peut conduire à des retards conséquents ou des échecs, dans nos vies personnelles comme professionnelles, à titre individuel comme collectif.
Un exemple célèbre : l’Opéra de Sydney terminé avec dix ans de retard, pour un budget de 102 millions de dollars au lieu des 7 millions initialement prévus.
Le planning fallacy s’explique par notre tendance à préférer l’optimisme au pessimisme, voire au réalisme. De plus, une fois nos prévisions faites, il nous est difficile de prendre en compte des informations négatives remettant en cause nos décisions. Enfin, la pression extérieure pour faire “vite, bien, pas cher” renforce encore ce phénomène.
Quelques pistes pour y remédier :
ne pas se fier uniquement à son intuition et intégrer dès le départ des informations objectives extérieures
découper un projet en “sous-tâches”, chacune étant évaluée individuellement
visualiser étape par étape l’avancement d’un projet, en mode Kanban par exemple.
Enfin, à une échelle individuelle, regardons la réalité en face et évaluons le temps de travail effectif, productif, “concentré”, dont nous disposons dans une journée. Entre les réunions, les mails, les interruptions des collègues, les échanges sur Slack, le multitâche qui nous fait nous disperser… nous ne disposons souvent que d’une ou deux heures par jour, de “vrai” travail ! Ce qui est rarement la durée que nous prenons en compte pour faire nos plannings.
La leçon à retenir
Décidément le pessimisme (réalisme ?) a du bon...
Pour aller plus loin
L'histoire du créateur de la science des erreurs et de ses erreurs
Researchgate - 2010 - The Planning Fallacy
L’effet Dunning-Kruger
L'effet Dunning-Kruger est un biais cognitif qui consiste à surestimer ses compétences dans des domaines que l’on connaît juste un peu. Il tire son nom de deux psychologues, David Dunning et Justin Kruger, qui ont étudié ce phénomène dès 1999.
“La culture, c’est comme la confiture. Moins on en a, plus on l’étale.”
Citation attribuée au choix à Françoise Sagan, Pierre Desproges ou Jean Delacour.
L'étude originale portait sur des tests de logique, de grammaire et de sens de l'humour (eh oui !). En moyenne, 62 % des participants s’estimaient “meilleurs” que leurs pairs alors que seuls 12 % sur-performaient.
L'effet Dunning-Kruger peut être représenté par une courbe, avec trois stades :
Le novice : vous n'avez aucune connaissance sur un sujet et admettez volontiers votre ignorance. Jusque-là, tout va bien.
L’amateur : ça se corse ! En passant de novice à légèrement connaisseur, vous développez un sentiment de supériorité en "oubliant" que vous avez des lacunes.
Le spécialiste : plus vous connaissez un sujet, plus vous en identifiez la complexité et plus vous êtes conscient de vos limites. Vous savez que vous ne savez pas.
Le Mont Stupide ! C'est au stade de l’amateur que se situe le véritable danger. Parce que vous connaissez un peu un sujet, vous développez un faux sentiment de maîtrise. Vous ne doutez plus, vous ignorez votre propre ignorance et vous devenez dangereux.
“Arrogance is ignorance plus conviction.” Tim Urban
Des exemples à foison. On retrouve l'effet Dunning-Kruger dans quasiment tous les domaines.
Les étudiants les moins bien notés (les 25 % en bas de la grille) représentent 60 % des étudiants qui surestiment leurs performances.
En cas de sous-performance, les entretiens d'évaluation sont rarement considérés comme "justes” par la personne évaluée.
Les experts qui peuplent les plateaux télé, préfèrent "affirmer" que faire part de leur doute (pas bon pour l'audimat...).
La France est riche de "65 millions de sélectionneurs" qui savent mieux que l'entraîneur quelle équipe aligner sur le terrain, sans avoir jamais rencontré un seul des joueurs retenus.
Et que dire des millions d’experts soudainement “diplômés” en Relations internationales depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie…
La première règle du club Dunning-Kruger est une variante de celle du Fight Club. Selon Dunning, "dans le club Dunning-Kruger, personne ne sait qu'il fait partie du club." Nous sommes donc tous concernés, à un moment ou à un autre.
Rien à voir avec le niveau d'intelligence : l'effet Dunning-Kruger prolifère avec l'accès croissant aux connaissances. Pour se prémunir de ces effets pervers, Dunning et Kruger conseillent d'appliquer quelques remèdes simples mais efficaces : réfléchir avant de tirer des conclusions hâtives, accepter la contradiction et sans cesse remettre en question ses connaissances. Facile, non ?
La leçon à tirer
Comme disait Jean Gabin, “Je sais, je sais, je sais… Maintenant je sais, je sais qu’on ne sait jamais, mais ça je le sais”.
Pour aller plus loin
Comment savoir si je suis atteint du syndrome Dunning-Kruger ?
L'étude originale de David Dunning et Justin Kruger
Les exemples de l'effet Dunning-Kruger
L'effet Dunning-Kruger existe-t-il vraiment ?
Le JOMO (Joy of Missing Out)
Le JOMO (Joy of Missing Out) s’oppose au FOMO (Fear Of Missing Out), cette peur bien connue de rater quelque chose : la fête d’anthologie, la réunion où “tout s’est décidé”, bref l’événement qu’il ne fallait pas rater… et qu’on a raté parce qu’on est “nul”.
Ce sentiment est encore renforcé par les réseaux sociaux, qui nous donnent l’illusion de devoir être omniprésents, omnipotents, omniscients. Eh oui, nous ne faisons jamais assez, nous ne “sommes" jamais assez. Épuisant !
Revenons au JOMO, cette joie de choisir ce qui est vraiment important pour nous et de renoncer à ce qui ne l’est pas. Avons-nous profondément envie de consacrer du temps à quelque chose, simplement parce ce que nous avons peur de “rater” ?
Dans son dernier ouvrage, Oliver Burkeman - journaliste et auteur spécialisé dans la gestion du temps - nous rappelle un fait contre lequel nous ne pouvons rien : une vie humaine dure en moyenne 4 000 semaines. Reste à savoir ce que nous avons envie de faire de ce temps fini, ce qui n’inclut probablement pas “se sentir mal en regardant sur Instagram la vie tellement plus intéressante des autres”.
Le JOMO va à l’encontre des approches traditionnelles de gestion du temps qui cherchent à nous rendre toujours plus productifs, en remplissant au maximum notre temps. Selon les adeptes du JOMO, cette lutte est perdue d’avance.
L’un des enseignements majeurs du JOMO, c’est qu’accepter de renoncer à tout faire, revient à se concentrer sur ce que nous voulons véritablement accomplir… et à avoir du temps pour l’accomplir.
Celui qui ne sait pas se contenter de peu ne sera jamais content de rien. Épicure
La pratique du JOMO nous permet d’apprécier les choix que nous avons déjà faits. Nous ne pouvons pas TOUT faire, ni TOUT avoir. Le JOMO, c’est aussi et surtout accepter d’être imparfait.
La leçon à retenir
La vie, c’est ici et maintenant !