🔴 7 about... le “switch-cost”, Failory et la théorie du Donut
Le “switch-cost”
1. Le “switch cost” est le “prix” que nous payons lorsque nous passons d’une activité à une autre : effort cognitif accru, performance moindre, perte de concentration, fatigue mentale (et physique)…
2. Lorsque nous sommes interrompus lors d’une tâche, notre cerveau met du temps à abandonner la tâche en cours et à se concentrer sur une nouvelle. Idem lorsque nous revenons à la tâche initiale. En clair, vous ne perdez pas seulement les secondes ou minutes de l’interruption elle-même (alertes sur votre portable, appels, sms, etc.) mais aussi le temps nécessaire à votre cerveau pour s'adapter.
3. Selon le psychologue David Meyer, le “switch cost” peut entraîner jusqu’à 40 % de perte de productivité :
Nous sommes plus enclins à faire des erreurs.
Nous mémorisons moins bien (cf. l’étude de Michèle Muhmenthaler et Beat Meier).
Nous avons tendance à prendre de moins bonnes décisions.
A chaque changement d’activité, nous perdons en moyenne 23 minutes de concentration (cf. l’étude de Gloria Mark, Victor M. Gonzalez et Justin Harris) !
4. En étant perpétuellement interrompus, nous courons le risque que notre cerveau ne soit plus capable de rester longuement concentré. Nous perdrions alors cette capacité à nous immerger totalement dans une activité, jusqu’à atteindre le moment de concentration totale - le flow - où nous sommes les plus productifs, les plus rapides, les plus créatifs et… les plus satisfaits.
5. Premier psychologue à avoir théorisé le flow, Mihály Csíkszentmihályi en a identifié les trois facteurs principaux :
Vous devez choisir UN seul objectif.
Cet objectif doit être important pour vous.
Vous mettez la barre un tout petit peu plus haut que ce que vous êtes normalement capable de faire.
Vous pouvez alors travailler en étant pleinement concentré, sans effort… Le bonheur !
6. Bien sûr, le coupable tout désigné est Internet sous toutes ses formes : alertes permanentes, actus en continu, messageries, jeux, réseaux sociaux, sites… Une source inépuisable de distraction ! Difficile d’y échapper surtout quand tout est à portée de main, en permanence.
7. Il suffirait donc de se discipliner ? Difficile d’aller à contre-courant, de résister aux injonctions de son boss, de ses amis, de la société toute entière... Selon Johann Hari, dans son dernier livre Stolen Focus: Why You Can’t Pay Attention, il faudrait se battre collectivement pour retrouver le “droit d’avoir toute notre tête” et notre pleine liberté de penser.
La leçon à retenir
Je ne serais donc pas la seule à ne pas comprendre pourquoi je suis moins productive qu’avant alors que je suis - objectivement - moins surchargée ?
Pour aller plus loin
Cal Newport - “Deep Work: Rules for Focused Success in a Distracted World
Le texte original du psychologue américain Arthur Jersild - Mental set and shift (1927)
American Psychological Association - Multitasking: Switching costs
Johann Hari - Stolen Focus: Why You Can’t Pay Attention
Failory, le cimetière des startups
1. Failory est un site recensant les documents de présentation des startups qui ont échoué. Le raisonnement est simple : il est plus utile d’étudier les échecs, nombreux et peu connus, que les success stories, rares et déjà tellement célèbres.
Fail + Story = Failory
2. Nico Cerdeira était encore étudiant à Buenos Aires lorsqu’il a créé Failory en 2017, en parallèle de ses études… qu’il comptait bien terminer (Nico a décidément les pieds sur terre !).
3. Produit phare de Failory, le startup cemetery est une base documentaire décortiquant plus de 120 “plantages” dont celui du célèbre Vine, ancêtre de TikTok. Failory se permet même des éditions spéciales comme l’Amazon Cemetery, exclusivement consacré aux (nombreux) échecs d’Amazon.
4. Toutefois, Failory n’a pas tardé à faire évoluer son positionnement avec le Pitch Deck, regroupant les toutes premières présentations des (futures) grandes startups : Airbnb, Spotify, Uber, Facebook… Se cantonner aux échecs ne mènerait donc pas au succès ?
5. Dans sa lancée, Failory a développé une gamme complète de contenus :
Plus de 200 interviews de startupers, ayant réussi ou non.
Plus de 100 articles : comment démarrer une startup, la développer et surtout ne pas échouer !
Un podcast d’entretien avec des startupers.
6. Failory rentabilise désormais son audience à travers 3 sources de revenus :
le sponsoring : vente de publicité sur son site et sa newsletter (25 000 abonnés revendiqués).
l’affiliation : Failory assure la promotion de nombreux outils, produits et services destinés aux startups. Le site est rémunéré en cas de vente. Au moins, c’est transparent.
les produits digitaux : Failory crée ses propres éditions, par exemple son livre sur le Product Market Fit, vendu en ligne 15 dollars.
7. Se concentrer uniquement sur les réussites est l’un des biais cognitifs les plus redoutables : le biais du survivant. Car on apprend davantage de ceux qui ont échoué, tout simplement parce que les cas sont bien plus divers. Il fallait un site comme Failory pour nous le (re)démontrer et en faire un succès.
La leçon à retenir
Après tout, échouer et recommencer, c’est ce qu’on a tous fait quand on a appris à marcher. Pourquoi devrions-nous avoir honte de nos échecs au point de ne jamais oser recommencer ? Si nous avions fait ça bébés, nous serions tous encore assis sur nos petites fesses… ce qui serait peu pratique.
Pour aller plus loin
Why do Startups fail? Investopedia
Suivre Nico Cerdeira, fondateur de Failory
La vidéo : The Dude, le loser magnifique (The Big Lebowski)
La théorie du donut
1. La théorie du donut décrit un modèle économique alliant justice sociale et intégrité environnementale, l’objectif étant d’éradiquer la pauvreté sans détruire notre planète.
2. Cette théorie a été élaborée par Kate Raworth, économiste britannique, après une longue collaboration avec l’ONG Oxfam. Paru en 2017, son livre Doughnut Economics: Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist (La théorie du donut : l'économie de demain en 7 principes) est devenu un best seller et une référence.
3. Pourquoi le donut ? Kate Raworth a représenté les enjeux environnementaux et sociaux sous la forme de deux cercles concentriques. Entre ces deux cercles (le donut) se trouve “l’espace juste et sûr pour l’humanité”, là où les besoins de tous peuvent être satisfaits, dans les limites des ressources planétaires.
4. Le cercle extérieur définit le plafond environnemental que nous ne devrions pas franchir sous peine de détruire notre environnement. Il existe neuf limites planétaires :
réchauffement climatique
acidification des océans
pollution chimique
charge d'azote et de phosphore (engrais détruisant la vie aquatique et marine)
consommation d'eau douce
conversion des terres (artificialisation)
perte de biodiversité
pollution de l'air
appauvrissement de la couche d'ozone
5. Le cercle intérieur délimite le plancher social, à savoir les 12 besoins essentiels devant être satisfaits :
nourriture
eau
santé
éducation
revenu et travail
paix et justice
voix politique
équité sociale
égalité des sexes
logement
réseaux
énergie
6. En dehors de cet “espace sûr et juste” se trouvent les zones rouges, là où les limites planétaires ou sociales sont dépassées : réchauffement climatique, extinction des espèces, dictatures, inégalités…
7. Avec la théorie du Donut, Kate Raworth propose une pensée s'éloignant du dogme de la croissance infinie du PIB. A l’opposé du modèle actuel où les ressources sont utilisées puis “jetées” en générant pollution et gaz à effet de serre, elle imagine un système régénératif et circulaire où les ressources seraient réutilisées ou, à défaut, recyclées. Sur le plan social, il s’agit de passer d’un système concentré (Etats, actionnaires…) à un système distributif et décentralisé où chacun peut être acteur (panneaux solaires individuels pour produire son énergie et celle de ses voisins…).
La leçon à retenir
Et si on faisait comme Amsterdam dont les dirigeants ont fait appel à Kate Raworth et au Doughnut Economics Action Lab (DEAL), pour relancer son économie après le Covid ? Ou comme Bruxelles, Copenhague ou encore Portland ? Même à petits pas, on avance…
Pour aller plus loin
La théorie du donut : l'économie de demain en 7 principes - Kate Raworth
Qu'est-ce que la Théorie du Donut de l'économiste Kate Raworth ? - Oxfam France
Kate Raworth: A healthy economy should be designed to thrive, not grow | TED Talk
Kate Raworth nous explique ce qu'est la théorie du donut, un nouveau modèle économique
Amsterdam teste la théorie du donut