🔴 7 about... le théâtre de productivité et Bellingcat
Chers SEVENers,
Suite et fin de notre “Best of” pour affronter cette rentrée…
Nous nous retrouverons vendredi prochain avec de nouveaux articles, fruits de nos explorations de l’été ! Bonne lecture !
Le théâtre de productivité
1. Le théâtre de productivité désigne l’ensemble des tactiques employées pour montrer aux autres que nous travaillons… même lorsque ce n’est qu’une apparence. Rien à voir donc avec l’art dramatique. Il s’agit ici non pas de travailler mais de montrer que l’on travaille.
2. Quelques exemples. (Bien sûr, aucun de nous n’a jamais mis en œuvre ces petits subterfuges. Non, non, non…)
Rédiger des mails juste pour montrer que l’on est en train de travailler.
Laisser ouvert l’intranet de son entreprise.
Assister à des visio-conférences pour lesquelles sa présence n’était pas indispensable.
Plus étonnant (et de plus en plus de personnes admettent le faire) : activer son ordinateur ou sa souris afin d'apparaître comme “actif” sur des outils comme Teams.
3. Selon l’étude de Qatalog and Gitlab, cette “activité” mobiliserait chaque personne 67 minutes par jour ! Chiffre encore plus élevé chez les télétravailleurs.
4. Si ce phénomène n’est pas nouveau, il s’est fortement développé avec l’essor du télétravail et du travail asynchrone. D’ailleurs, selon une étude Microsoft, 85 % (!) des managers doutent du niveau de productivité de leurs collaborateurs lorsqu’ils travaillent à distance. Un manager a besoin de voir la personne travailler pour se rassurer.
5. Résultat : ce manque de confiance nourrit la rapide expansion du “présentéisme digital”, notamment sur Slack, Zoom, Teams et autres plateformes dites de collaboration.
6. Quelques solutions pour allier efficacité et télétravail :
Mieux distinguer les tâches pouvant être effectuées à distance et en asynchrone (réflexion, concentration) de celles nécessitant une présence physique simultanée (collaboration, décisions).
Comprendre que le travail à distance ne se résume pas à “où” vous travaillez mais également à “quand” vous travaillez.
7. L’essor du théâtre de productivité souligne le décalage de plus en plus criant entre le développement du télétravail et la résistance de managers qui souhaitent avoir leurs collaborateurs “sous la main”. Tant que ce décalage existe, le théâtre de productivité a de beaux jours devant lui.
La leçon à tirer
Et si on s’en tenait à la qualité du travail réellement effectué ?
Pour aller plus loin
La vidéo : The Office ou les joies du présentéisme
Cover Your Ass: definition, strategies & examples, Investopedia
Bellingcat
1. Bellingcat est un collectif indépendant de chercheurs, enquêteurs, journalistes, citoyens, utilisant pour leurs investigations des données accessibles à tous sur Internet et les réseaux sociaux : bases de données, photos, vidéos, données personnelles non protégées, géolocalisation, etc. Ce type d’analyse relève de l'Osint(open source intelligence).
2. Ce groupe a été créé en 2014 par Eliot Higgins, blogueur britannique autodidacte, qui s’est formé au fur et à mesure de ses recherches, notamment sur les armes utilisées dans la guerre en Syrie.
3. L’objectif de Bellingcat est de faire la lumière sur des faits que les gouvernements ou institutions ne veulent pas ou ne peuvent pas investiguer.
4. L’équipe est à dimension variable : une trentaine d’employés dont vingt enquêteurs, une quarantaine de bénévoles et des partenaires tels que Le Monde, Der Spiegel, CNN… Bellingcat peut aussi utiliser le crowdsourcing, en faisant appel au public pour l’aider à identifier, authentifier, préciser certaines données.
5. À but non lucratif, Bellingcat fonctionne avec un budget d’environ deux millions d’euros dont un tiers est apporté par les formations que ses membres dispensent à d’autres journalistes et professionnels. Bellingcat n’acceptant plus d’argent provenant de gouvernements, le reste est fourni par des organisations privées. Chacun peut d’ailleurs faire un don sur leur site.
6. Quelques conclusions d’enquêtes marquantes, liste loin d’être exhaustive :
Des armes chimiques et des armes à sous-munitions ont été utilisées contre des civils en Syrie en 2014 et 2016.
En 2014, le missile ayant abattu l’avion de ligne MH17 a été tiré depuis une base militaire russe.
Les empoisonneurs de Sergei et Yulia Skripal en Angleterre en 2018 sont deux agents du GRU (renseignement militaire russe).
Le FSB (service de sécurité russe) est responsable de la tentative d’empoisonnement de l’opposant russe Alexei Navalny en 2020.
7. Rien d’étonnant donc à ce que Bellingcat s’attire les foudres de la Russie et de Vladimir Poutine qui l’a déclaré “indésirable”. Encore plus prévisible : inutile de chercher longtemps (ni même de chercher du tout) avant de tomber sur des pages expliquant que Bellingcat est une émanation des services britanniques, financée par Soros, la CIA et les Gafam. Il ne manque plus que le diable.
La leçon à retenir
Avec de l’intelligence, de la solidarité, de l’obstination et beaucoup de courage, on peut faire plus qu’on ne le croit souvent.