🔴 7 about... l'effet de dotation, les managers “intermittents” et les bétons auto-cicatrisants
L’effet de dotation
1. L’effet de dotation est notre tendance à accorder plus de valeur à un objet - quel qu’il soit - si nous le possédons. Il n’est pas nécessaire que cet objet ait une valeur sentimentale ou symbolique forte. La seule condition est qu’il nous appartienne.
2. Ce biais cognitif a été mis en évidence par Richard Thaler, théoricien de la finance comportementale, prix Nobel d'économie en 2017, également co-auteur du célèbre Nudge - La méthode douce pour inspirer la bonne décision. L’effet de dotation vient contredire la théorie économique standard selon laquelle un acheteur est prêt à payer pour un objet, le prix auquel il accepterait de le vendre.
3. L’effet de dotation s’explique notamment par notre aversion au regret : nous détestons l’idée d’abandonner une chose, même si c’est pour en obtenir une autre (argent, job, objet…). Nous nous concentrons davantage sur la “douleur” de perdre que sur la “joie” de gagner. De plus, nous sous-estimons les coûts d'opportunité, c’est-à-dire la valeur qu’aurait pu nous apporter l’option que nous n’avons pas choisie.
4. Cet effet peut aussi s’expliquer par la théorie du prix de référence. Pour acquérir un bien, l'acheteur ne veut pas dépasser son prix de référence, en général très bas, alors que le vendeur ne veut pas descendre en dessous de son propre prix de référence, en général le plus haut du marché. Chacun a peur de faire une mauvaise affaire, ce qui bloque la transaction.
5. Enfin, dernière explication : comme nous avons tous tendance à nous croire exceptionnels, ce que nous possédons le devient également à nos yeux. Le simple fait de posséder un bien (mere ownership effect) lui donne une valeur supplémentaire.
6. L’effet de dotation a des conséquences dans notre vie de tous les jours car les marketeurs et les commerciaux ont très bien compris son intérêt. C’est précisément ce ressort - la propriété psychologique - qui est à l'œuvre lorsqu’on vous propose de tester une nouvelle voiture, d’essayer un vêtement tranquillement chez vous ou de manipuler un objet pour en apprécier les qualités. Cet objet nous “appartient”, ne serait-ce que quelques minutes, et nous avons du mal à nous en séparer.
7. A l’inverse, en tant que vendeur, vous pouvez utiliser ce biais cognitif pour parvenir à conclure vos ventes ou… non, si vous surestimez la valeur de votre bien. Un exemple typique : l’écart de valorisation d’un appartement par son propriétaire (prix “affectif”) et par une agence immobilière (prix du marché).
La leçon à retenir
Rester objectif et rationnel ? Pure chimère !
Pour aller plus loin
L’article A Reference Price Theory of the Endowment Effect de Ray Weaver et Shane Frederick (1982)
L’article Choices, Values, and Frames de Daniel Kahneman et Amos Tversky (1984)
L’article The Mere ownership effect. Journal of Personality and Social Psychology de James Beggan (1992)
Les managers “intermittents”
1. Le “leadership-as-a-Service” désigne le fait de pouvoir employer via des plateformes en ligne, un manager ou un expert “intermittent”, pour une durée limitée et (ou) à temps partiel.
2. L’objectif est, pour le manager comme pour l’entreprise, d’utiliser au mieux leurs ressources respectives : le temps (ne travailler que le temps nécessaire à une tâche donnée) et l’argent (ne payer que le temps nécessaire à cette tâche).
3. Les managers “intermittents” sont en général des professionnels très expérimentés, efficaces, souhaitant évoluer dans des structures et entreprises différentes…
4. Avantages pour l’entreprise :
recruter les meilleurs experts même si elle n’a pas les moyens de les salarier à plein temps,
disposer rapidement de ces profils de très haut niveau puisqu’au moins une fraction de leur temps est disponible,
réduire les temps et coûts de recrutement,
bénéficier du regard neuf d’une personne venue remplir une mission et non progresser dans une hiérarchie.
5. Avantages pour le manager :
avoir un planning adapté à son mode de vie,
se renouveler et étendre ses compétences,
éviter de prendre part aux manoeuvres “politiques” internes,
fuir la routine !
6. Ce mode de fonctionnement peut bien sûr comporter des risques :
Le manager “intermittent” peut privilégier les résultats à court terme puisqu’il ne fait pas véritablement partie de l’entreprise.
Les équipes peuvent être réticentes à être manager par une personne “extérieure” dont la présence est temporaire.
Pour des raisons financières, le manager peut être conduit à multiplier les missions et à être débordé.
7. Quelques plateformes mettent en relation entreprises et dirigeants :
Shiny (soutenu par A16z et Y Combinator)
byDesign et Passion Fruit (spécialisés dans le marketing)
etc.
La leçon à retenir
Même quand on est dirigeant, on peut avoir envie de changer et d’être plus libre…
Pour aller plus loin
L’étude What Makes Fractional CIO Engagements in SMEs Successful? – A Research Framework
Un exemple Growing with a Fractional Chief Operating Officer (COO) | Open Eye
Les nouveaux bétons
1. Au fil du temps, quel que soit le climat, le béton se fissure et se fragilise. La solution ? Démolir et reconstruire, ou réparer. Or, ces deux solutions coûtent très cher d’un point de vue financier et environnemental. C’est pourquoi de multiples solutions permettant à ce matériau de s’auto-régénérer sont en cours de développement.
2. Le béton est donc un matériau qui s’abîme sauf… dans les constructions antiques. Se penchant sur ce mystère, les chercheurs du MIT ont trouvé la solution de l’énigme : les Romains incorporaient dans leur béton des petits grumeaux blancs composés de carbonates de calcium, ayant la capacité sous l’action de l’eau de former une solution riche en calcium qui, en séchant et en se solidifiant, remplit automatiquement les fissures éventuelles.
3. Dans le même ordre d’idée, Henk Jonkers, microbiologiste à l’Université de Delft, a créé un béton auto-cicatrisant en y ajoutant des bactéries capables de survivre 200 ans. Lorsqu’une fissure apparaît, laissant entrer l’air et l’humidité, ces bactéries sécrètent du calcaire qui referme les fissures. Encore mieux, il est possible de pulvériser ces bactéries sur les fissures apparues dans du béton conventionnel... qui se rebouchent comme par magie ! Les brevets déposés sont exploités par la startup Basilisk.
4. Deux autres pistes à suivre :
le béton de champignon… Mais si, mais si ! Parmi les nombreux projets à l’étude, celui de Achiya Livne, doctorant à l’université Ben-Gourion du Néguev, qui a développé un bloc de construction à base de mycélium, aussi solide et isolant que le béton, capable en outre d’absorber le CO2.
Encore plus étonnant, le béton à base de déchets, de bactéries et d’urée, fabriqué à température ambiante ! Ce biociment, créé par des chercheurs de Singapour, consomme moins d'énergie et moins d’eau, n’utilise ni sable ni argile, ne produit pas de CO2, et permet de recycler des déchets. Bonus : il est plus résistant que le ciment conventionnel.
5. L’impact de ces solutions est énorme car le béton est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde avec 4,6 milliards de tonnes chaque année, soit plus d'une demi-tonne par personne. Cette consommation a doublé depuis les années 2000 et devrait encore doubler d’ici 2040.
6. La production de béton génère environ 8 % des émissions annuelles de CO2 mondiales. Moins que le secteur agricole (12 %) mais plus que le transport aérien (2,5 %). Fabriqué à partir d’un mélange d’eau, de sable, de gravier et de ciment (calcaire et argile), le béton provoque d’énormes problèmes environnementaux :
extraction massive de sable, matériau naturel non renouvelable
consommation d’eau (un dixième des ressources en eau du secteur industriel)
artificialisation des sols
Par ailleurs, l’une des étapes essentielles de la fabrication du béton - la clinkérisation - requiert de très hautes températures (jusqu’à 1 500 °C) et produit donc une quantité importante de CO2.
7. Les nouveaux bétons symbolisent cette innovation qui puise son inspiration dans le passé, loin du techno-solutionnisme.
La leçon à retenir
Il y a tant de possibilités intéressantes qui nous permettraient de continuer à nous développer, sans mettre en danger notre environnement et notre survie en tant qu'espèce. Nous nous hâtons fort lentement… Quel choc nous faudra-t-il pour accélérer ?
Pour aller plus loin
Climate change: The massive CO2 emitter you may not know about - BBC News
La construction écologique : les alternatives durables au ciment
Un béton autoréparant, le secret de la longévité des constructions romaines - Le Temps
Le béton, mis au défi des enjeux environnementaux - La fabrique écologique
LE BÉTON : COMMENT LE MATÉRIAU LE PLUS UTILISÉ PAR L'HUMANITÉ VA SE TRANSFORMER - rtflash.fr
Riddle solved: Why was Roman concrete so durable? | MIT News