L’effet de faux consensus
1. L’effet de faux consensus est un biais cognitif nous amenant à surestimer la prévalence de nos propres croyances, valeurs, comportements… Cet effet a un impact sur la façon dont nous percevons le monde et interagissons avec lui puisque nous supposons que, bien sûr, “les autres” partagent nos propres idées.
2. Cet effet a été identifié en 1977 grâce à une série d’études menées par Lee Ross, David Greene et Pamela House, chercheurs en psychologie sociale à Stanford. Leur article The false consensus effect: An egocentric bias in social perception and attribution process reste une référence et a suscité d’autres recherches sur les normes sociales et les processus de décision.
3. Favorisant une confiance en soi excessive, ce biais cognitif peut nous conduire à avoir une perception déformée de la réalité puisque nous considérons notre croyance comme la "norme" plutôt que comme une simple position personnelle.
La manière la plus sûre de corrompre une jeunesse est de l’instruire à tenir dans une estime plus élevée ceux qui pensent de même que ceux qui pensent différemment.
Friedrich Nietzsche, L’Aube.
4. Trois facteurs favorisent l’émergence de ce biais cognitif :
La simplicité cognitive - Il est plus facile de projeter nos croyances sur les autres que de “perdre” du temps et de l’énergie à essayer de comprendre ce qu’ils pensent vraiment. Notre cerveau déteste l’effort.
La comparaison sociale - Nous avons tendance à nous entourer de “semblables” afin de nous éviter toute comparaison inconfortable. Nous partageons donc globalement les mêmes croyances que notre entourage, ce qui les renforcent d’autant.
La valorisation de soi - Afin de renforcer notre estime de soi, nous préférons penser que nos croyances sont les “meilleures” et donc les plus largement répandues.
5. Il est important de prendre conscience de cet effet car il peut conduire à l’intolérance, au manque d’empathie et à une étroitesse d’esprit qui empêchera de considérer d’autres opinions, d’autres possibilités, au risque de ne pas pouvoir faire ses propres choix.
6. Sur le plan économique ou professionnel, ce biais peut également avoir des conséquences négatives : créer un produit dont personne ne veut… à part soi-même, prendre des décisions sur la base de ses seules convictions, etc. C'est pourquoi il est toujours préférable de tester ses idées au préalable.
7. Pour éviter cet effet, quelques stratégies finalement assez simples peuvent être mises en oeuvre :
Se remettre en question et considérer que l’on n’a pas toujours raison. Je sais, c’est difficile pour certains…
Échanger avec des personnes ayant des opinions différentes et sortir ainsi de sa “chambre d’écho”.
Rechercher des données objectives.
Essayer de se mettre à la place de l’autre.
La leçon à retenir
Ah, si chacun reste dans sa bulle, persuadé que c’est elle la plus belle…
Pour aller plus loin
L’article originel : The “false consensus effect”: An egocentric bias in social perception and attribution processes - ScienceDirect
What is the False Consensus Effect? - Good, H. (2023, February 7
L'effet de Faux Consensus : une revue empirique et théorique - Persée
Les “preppers” milliardaires
1. Le terme “preppers” désigne les personnes qui se préparent matériellement à survivre à une catastrophe majeure (attaque nucléaire, effondrement économique, guerre civile, désastre naturel…). Les “preppers” milliardaires font exactement la même chose, à une nuance près mais de taille, à savoir quelques milliards de dollars. Forcément, ça aide...
2. Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook et président de Meta, a lancé la mode de l’abri anti-catastrophe chez les super riches avec son bunker souterrain, “Koolau Ranch”, imaginé dès 2014. Construit sur l’île de Kauai à Hawaï, il a coûté plus de 270 millions de dollars (dont 100 millions pour la construction et 140 millions pour l’achat des terres). Selon Wired, l’abri comprend une douzaine de bâtiments avec 30 chambres et autant de salles de bains. Plus pratique pour se retrouver en famille après l’apocalypse…
3. Sam Altman, le fameux patron d’Open AI, n’est pas en reste. Dans une interview au New Yorker, il avoue être aussi un “prepper”, même s’il “essaye de ne pas trop y penser”. Enfin, il y pense quand même un peu puisqu’il a stocké des armes, de l’or, de l’iode, des antibiotiques, de l’eau, des masques à gaz… Sans oublier une bonne moto pour rejoindre sans encombre son abri caché quelque part à Big Sur, à 200 kilomètres au sud de San Francisco. Effectivement, en cas de cataclysme, quelques embouteillages sont à prévoir.
4. Peter Thiel, fondateur de Paypal et de Palantir, n’y échappe pas. Cette fois, direction la Nouvelle Zélande où le milliardaire s’est offert 193 hectares pour bâtir son bunker de luxe, baptisé “base autonome durable (DAB)”. Coût de l’opération : 13,5 millions de dollars. Il en a aussi profité pour “acquérir” la citoyenneté néo-zélandaise.
5. Toutefois, les abris anti-catastrophe ne sont pas réservés aux ultra-riches. Plusieurs entreprises, BombNado par exemple, proposent des bunkers anti-apocalypse à partir de 20 000 €. Si vous voulez monter en gamme, Vivos commercialise des bunkers 5 étoiles. Ainsi, pour 2 millions d’euros, vous pouvez avoir la chance de vous abriter à Rothenstein, au cœur de l’Allemagne, dans un abri anti-atomique datant de la guerre froide, reconverti en bunker communautaire anti-fin du monde. La promesse de Vivos : “The Backup Plan For Humanity” ou encore “the largest survival community on earth.”
6. Qu’ils soient milliardaires ou non, les “preppers” partagent les mêmes craintes : guerre civile, cyber-attaques, bombes nucléaires et catastrophes naturelles liées au changement climatique. Rien de très original mais, depuis quelques années, ces scénarios catastrophes semblent de moins en moins relever de la science-fiction.
7. Pourtant, les entreprises stars de la tech continuent officiellement d’afficher un optimisme à toute épreuve alors que, dans le même temps, nombre de leurs dirigeants se préparent au pire. Reid Hoffman, créateur de Linkedin, estime que plus de 50 % des milliardaires de la Silicon Valley disposent d’un bunker souterrain. Sam Altman, encore lui, a peut-être le mieux résumé l'ambiguïté des “tech survivalistes”. Dans une intervention célèbre, mi-sérieux mi-taquin, il annonce : “L’intelligence artificielle va sans doute conduire à la fin du monde, mais d’ici là il se créera de grandes entreprises grâce au machine learning”. Après tout, imaginer ses pires cauchemars n’augmente pas la probabilité qu’ils se produisent. Mais, au cas où, autant être prêts…
La leçon à tirer
Quelle est votre citation préférée : “Si vous n’êtes pas encore parano, c’est déjà trop tard” ou “A la fin, il n’y a que les paranos qui survivent” ? Bon week-end quand même !
Pour aller plus loin
Leave the world behind us (Le monde après nous), l’apocalypse selon Netflix
Se faire construire son propre abri anti-apocalypse (si vous en avez les moyens) avec Vivos
Toujours d’actualité : “On nous cache tout, on nous dit rien” de Jacques Dutronc
Le livre Only the paranoid survive - Andy Grove (fondateur d’Intel)