🔴 7 about... l'effet Ikea, AI Time Machine et Bellingcat
L’effet Ikea
1. L’effet Ikea désigne notre tendance à surévaluer les produits que nous avons contribué à créer. Pourquoi Ikea ? Ceux qui ont déjà passé des heures à serrer des vis à tête hexagonale se souviennent sûrement de leur sentiment de fierté lorsque le “bidule” est enfin terminé.
2. L’effet Ikea a été identifié par Michaël Norton, Daniel Mochon et Dan Ariely dans leur étude The IKEA effect: When labor leads to love (2012).
3. Ce biais cognitif “dérègle” notre perception de la valeur objective d’un objet car notre contribution renforce notre sentiment de compétence :
J’ai réussi : cet objet est le fruit de mon effort.
Je suis un consommateur intelligent : j'ai dépensé moins en faisant moi-même.
Mon œuvre est visible : la preuve de ma compétence occupe une place centrale et permanente dans mon quotidien.
Résultat : la valeur que j’attribue à cet objet augmente en conséquence.
4. Si la valeur perçue de mon produit augmente à mes yeux, il n’en est rien pour les autres car une bibliothèque Ikea reste une bibliothèque Ikea standard aux yeux du reste de l’humanité. Idem pour la magnifique tasse que nous avons fabriquée nous-même. Aucune raison donc de lui accorder une valeur supplémentaire. Au contraire.
5. Cette distorsion entre valeur perçue et valeur marchande peut conduire à des dérives puisque nous aurons tendance à payer plus cher un produit à assembler, que ce même produit déjà assemblé. Une aubaine pour le secteur en forte croissance des kits-repas à préparer soi-même, qui devrait représenter 20 milliards de dollars d’ici 2027 (source : Grand View Research).
6. Pour éviter ce piège, nous pouvons appliquer deux règles de bon sens :
Estimer à l’avance si l’effort que nous allons consacrer à la fabrication d’un produit en vaut la peine.
En cas de doute, demander l’avis objectif d’une autre personne.
7. Pssst… Nous pouvons utiliser l’effet Ikea pour inciter les enfants à manger davantage de légumes. Comment ? C’est tout simple, faites-leur préparer eux-mêmes des plats de légumes. Et le tour est joué ! Enfin, on espère…
La leçon à tirer
Ah, ce légendaire collier de nouilles offert avec fierté à notre maman : “c’est moi qui l’ai fait” !
Pour aller plus loin
La vidéo : l’effet Ikea, Dan Ariely
L’histoire d’Ingvar Kamprad, le fondateur d’Ikea (dont les initiales IK expliquent le choix du nom Ikea)
How to get consumers to love your product, Alina Gorbatch
Le Père Noël est une ordure | Le moment embarrassant des cadeaux
AI Time Machine™
1. Disponible sur le site de généalogie MyHeritage, le programme AI Time Machine™ crée des portraits “historiques” de vous-même à partir des photos que vous aurez importées. Comme son nom l’indique, ”il y a des morceaux d’Intelligence Artificielle dedans”...
2. Comment faire ? Vous uploadez une vingtaine de photos de vous-même (mais si, mais si, vous en avez…), vous choisissez les thèmes qui vous intéressent, puis un coup de baguette magique IA plus tard, vous voici transformé en personnage historique façon viking, moyen-âge, Egypte ancienne, etc. Une idée pour amuser la galerie à Noël ? Pour l’instant, c’est gratuit (phase de lancement).
3. AI Time Machine™ a été conçu par Astria, une startup israélienne fondée en octobre 2022 par Alon Burg, spécialisée dans la génération d'images IA sur mesure.
4. Astra utilise une intelligence artificielle générative (Generative AI) qui se base sur des éléments existants (vos photos) pour apprendre et créer de nouveaux éléments (vos portraits “historiques”). Grâce au machine learning, et plus précisément au deep learning, les résultats s’améliorent au fur et à mesure.
5. La Generative AI permet de créer des contenus 3D, design, voix, code, vidéo, texte, image… à partir d’une instruction sous forme de texte ou d'image. Quelques exemples dont nous avons déjà parlé dans des articles précédents :
6. Astria a développé sa technologie sur la base de l’article de Nataniel Ruiz : DreamBooth: Fine Tuning Text-to-Image Diffusion Models for Subject-Driven Generation. En bref (très bref…), il s’agit d’utiliser un modèle de diffusion texte-image (Imagen) pour générer des images mettant en scène un sujet dans des poses, environnements, lumières, qui n’existaient pas dans les photos fournies comme références.
7. Le développement d’Astria s’inscrit dans le boom que connaît actuellement l’industrie de la Generative AI.
Stability AI a procédé à une levée de fonds de 101 millions de dollars (Seed)
Jasper AI vient de lever 125 millions de dollars (Séries A) pour une valorisation de 1,5 milliard de dollars.
OpenAI devrait obtenir un milliard (!) supplémentaire de Microsoft.
La leçon à retenir
Les photographes, graphistes et illustrateurs ont du souci à se faire : les mises en situation de produits, proposées par Astria, sont plutôt convaincantes, et ce n’est pas fini…
Pour aller plus loin
Generative AI : tout savoir sur l’art de la création par l’IA - intelligence-artificielle.com
GPT3, l'Intelligence Artificielle qui rédige à votre place - 7about.fr
Mapping the pioneering Israeli Generative AI startups | Ctech
Bellingcat
1. Bellingcat est un collectif indépendant de chercheurs, enquêteurs, journalistes, citoyens, utilisant pour leurs investigations des données accessibles à tous sur Internet et les réseaux sociaux : bases de données, photos, vidéos, données personnelles non protégées, géolocalisation, etc. Ce type d’analyse relève de l'Osint (open source intelligence).
2. Ce groupe a été créé en 2014 par Eliot Higgins, blogueur britannique autodidacte, qui s’est formé au fur et à mesure de ses recherches, notamment sur les armes utilisées dans la guerre en Syrie.
3. L’objectif de Bellingcat est de faire la lumière sur des faits que les gouvernements ou institutions ne veulent pas ou ne peuvent pas investiguer.
4. L’équipe est à dimension variable : une trentaine d’employés dont vingt enquêteurs, une quarantaine de bénévoles et des partenaires tels que Le Monde, Der Spiegel, CNN… Bellingcat peut aussi utiliser le crowdsourcing, en faisant appel au public pour l’aider à identifier, authentifier, préciser certaines données.
5. À but non lucratif, Bellingcat fonctionne avec un budget d’environ deux millions d’euros dont un tiers est apporté par les formations que ses membres dispensent à d’autres journalistes et professionnels. Bellingcat n’acceptant plus d’argent provenant de gouvernements, le reste est fourni par des organisations privées. Chacun peut d’ailleurs faire un don sur leur site.
6. Quelques conclusions d’enquêtes marquantes, liste loin d’être exhaustive :
Des armes chimiques et des armes à sous-munitions ont été utilisées contre des civils en Syrie en 2014 et 2016.
En 2014, le missile ayant abattu l’avion de ligne MH17 a été tiré depuis une base militaire russe.
Les empoisonneurs de Sergei et Yulia Skripal en Angleterre en 2018 sont deux agents du GRU (renseignement militaire russe).
Le FSB (service de sécurité russe) est responsable de la tentative d’empoisonnement de l’opposant russe Alexei Navalny en 2020.
7. Rien d’étonnant donc à ce que Bellingcat s’attire les foudres de la Russie et de Vladimir Poutine qui l’a déclaré “indésirable”. Encore plus prévisible : inutile de chercher longtemps (ni même de chercher du tout) avant de tomber sur des pages expliquant que Bellingcat est une émanation des services britanniques, financée par Soros, la CIA et les Gafam. Il ne manque plus que le diable.
La leçon à retenir
Avec de l’intelligence, de la solidarité, de l’obstination et beaucoup de courage, on peut faire plus qu’on ne le croit souvent.