🔴 7 about... les indices du bonheur, l'effet de surjustification et le boom du captage de CO2
Les indices du bonheur
1. Peut-on mesurer le bonheur ? Plusieurs baromètres ont pour ambition d’évaluer le niveau de satisfaction dans le monde, pays par pays, de manière objective. L’objectif : proposer une alternative aux classements traditionnels du PNB (Produit National Brut) ou du PIB (Produit Intérieur Brut).
2. Pionnier de la mesure du bonheur, Adrian G. White, professeur à l’Université de Leicester, crée le Satisfaction with Life Index en 2007, l’une des premières mesures “subjectives” du bonheur. Sa méthode est simple : interroger directement les personnes sur leur niveau de satisfaction dans la vie. Aujourd’hui, trois indices font référence :
The Better life Index de l’OCDE (2011)
The World Happiness Report des Nations Unies (2012)
The Happy Planet Index du think tank britannique New Economics Foundation
3. Année après année, les Européens et surtout les Scandinaves monopolisent les premières places de ces baromètres du bonheur. A titre d’exemple, voici le top des pays des plus heureux dans le monde, selon l’édition 2023 du World Happiness Report :
Finlande
Danemark
Islande
Pays-Bas
Luxembourg
Norvège
Suède
4. Selon l’ensemble de ces études, le niveau de bonheur constaté est corrélé à trois facteurs principaux :
L’accès à l’éducation de base (mesuré à partir des données d’accès à l’école de l’UNESCO)
L’accès aux soins et la durée de vie (données OMS)
Le niveau de richesse (Produit National Brut par habitant)
Pas de grande surprise mais c’est toujours bon de revenir aux fondamentaux…
5. Toutefois, ces critères ne font pas tout. De nombreux pays qui possèdent un taux proche des pays scandinaves en termes de richesse, d’accès à la santé ou à l’éducation, obtiennent de moins bons scores. C’est le cas notamment du Portugal ou de la Corée du Sud. D’autres critères expliquent la “performance” des Scandinaves :
Le niveau de confiance entre les citoyens, facteur de cohésion sociale
La qualité des services publics
L’égalité : les pays scandinaves figurent parmi les moins inégalitaires au monde (source : Index Gini)
6. Et la France dans tout ça ? Malgré notre réputation d’éternels insatisfaits, nous ne sommes pas au dernier rang, ce qui n’est déjà pas si mal (je plaisante…), mais au 21ème en 2022 et au 20ème en 2023 (source World Happiness Report).
7. Les mesures du bonheur dans le monde comportent des limites car, pour être exact, il faudrait parler non pas des pays les plus heureux au monde mais de ceux qui se déclarent les plus heureux au monde. Nuance…
La leçon à tirer
« Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ».
Talleyrand
Pour aller plus loin
L’effet de surjustification
1. Par effet de surjustification (overjustification effect), on désigne l’impact que peut avoir le fait d’être récompensé (le plus souvent rémunéré) sur notre motivation à mener une activité que nous faisons habituellement par passion.
2. Dès 1971, Edward Deci, professeur de psychologie à l’Université de Rochester, a démontré l’existence de l’effet de surjustification, par une expérience portant sur deux groupes : le premier était payé pour faire un puzzle, le second ne l’était pas. Lorsque ce premier groupe cessa d’être rémunéré, son niveau de motivation devint inférieur à celui du second groupe qui n’avait jamais été payé et qui, lui, continuait à prendre du plaisir à jouer.
3. D’autres études ont abouti à des conclusions identiques, dont celle de Mark Lepper, professeur à Stanford, portant sur plusieurs groupes d’enfants à qui l’on demandait de dessiner. L’intérêt et les efforts fournis baissaient nettement chez les enfants ayant reçu une récompense pour leur dessin. Conclusion : que ce soit au travail, à l’école ou dans la vie, l’effet reste le même : la récompense diminue notre motivation à effectuer une activité.
4. Pour bien comprendre l’effet de surjustification, il est indispensable de distinguer deux types de motivation :
La motivation intrinsèque : nous effectuons une action pour l’unique satisfaction que nous en retirons (apprendre, découvrir…).
La motivation externe : nous menons une activité pour obtenir des “récompenses” tangibles (l’argent, une promotion…) ou intangibles (la reconnaissance, la gloire…).
Un exemple concret : si vous lisez cet article pour être plus efficace dans votre travail, votre motivation est externe. Si vous le lisez pour mieux comprendre les comportements humains, votre motivation est intrinsèque.
L’effet de surjustification met en lumière l’importance des motivations intrinsèques - souvent sous-évaluées - et relativise le rôle des récompenses.
5. La motivation externe est efficace pour inciter à faire des tâches fastidieuses, mais peut être très limitée dans les autres cas. En effet, une motivation maximale tient essentiellement à ces trois facteurs :
L’autonomie : pouvoir se détacher des contraintes externes
La compétence : être considéré comme compétent par soi-même et par les autres
L’appartenance : faire partie d’un groupe avec des liens forts entre ses membres
6. Qu’en est-il alors de M’Bappé ou de Djokovic qui, malgré leurs revenus mirobolants, n’ont pas l’air démotivé ? Leur motivation est amplifiée par leur rémunération car il ne s’agit pas d'une récompense pour effectuer une tâche mais pour exprimer leur compétence exceptionnelle.
7. L’effet de surjustification remet en question ce conseil souvent entendu : “fais ce qui te passionne”. Vraiment ? Sauf à être un talent hors du commun, l’effet de surjustification nous inciterait plutôt à rechercher une activité répondant à nos aspirations d’autonomie, d’appartenance à un groupe et de développement de compétences. Notre passion pourrait ne pas résister aux premières fiches de paie.
“Your work is going to fill a large part of your life, and the only way to be truly satisfied is to do what you believe is great work. And the only way to do great work is to love what you do.”
Steve Jobs
La leçon à tirer
Serait-ce le secret de l’épanouissement professionnel : aimer ce que l’on fait plutôt que faire ce que l’on aime ?
Pour aller plus loin
L’étude complète d’Edward Deci : Effect of externally mediated rewards on intrinsic motivation
What is extrinsic motivation? - Very Well Mind
La vidéo à (re)voir : You’ve got to find what you love - Steve Jobs - Stanford - 2005
Mark Lepper : Intrinsic Motivation, Extrinsic Motivation and the Process of Learning - Stanford University
Le boom du captage direct de CO2
1. Afin de combattre le réchauffement climatique, deux techniques sont actuellement développées pour capter le CO2 et le neutraliser, soit en le stockant, soit en le réutilisant :
le captage à la source des émissions industrielles (Carbon Capture and Storage - CCS), directement sur le site de “production” du CO2
le captage direct dans l'air ambiant (Direct Air Capture - DAC) via d’immenses “aspirateurs” à CO2
2. Cet été, le ministère de l'énergie américain a attribué une première tranche de subventions de 1,2 milliard de dollars à deux projets d’usine de captage direct :
le South Texas DAC Hub, créé par la compagnie pétrolière et gazière américaine Occidental Petroleum (OXY)
le Project Cypress DAC Hub en Louisiane, partenariat entre l’organisation à but non lucratif Battelle, la start-up suisse Climeworks et la startup américaine Heirloom Carbon Technologies
L’enveloppe totale est de 3,5 milliards de dollars pour un objectif final de quatre centres de captage installés aux Etats-Unis.
3. Ces deux projets devraient permettre d’extraire jusqu’à 40 millions de tonnes de CO2 par an, à mettre en balance avec les 10 milliards de tonnes que nous devrions avoir à capter chaque année (estimations de l’ONU pour 2050) si nous voulons limiter le réchauffement de la planète à moins de 2°C. Un détail…
4. Ces techniques coûtent cher, très cher. Actuellement, le captage et le stockage d’une tonne de CO2 coûtent plusieurs centaines d’euros. Même à 100 dollars la tonne, traiter 10 milliards de tonnes revient donc à 1 000 milliards de dollars.
5. Question suivante : que faire du CO2 capté ? Plusieurs possibilités :
l’enfouir dans des puits souterrains (les générations suivantes nous diront merci)
accélérer le processus de minéralisation du CO2 (le carbone est durci pour en faire un minéral, pouvant par exemple être intégré à du béton)
utiliser une (toute petite) partie de ce CO2 pour fabriquer des engrais ou des boissons gazeuses
6. Nous ne parviendrons probablement pas à trouver un usage à tout ce CO2 capté, permettant de financer ces infrastructures. La charge en reviendra donc aux Etats, à savoir nous et nos descendants. De plus, bien sûr, ces usines consommeront des ressources naturelles, de l’énergie, de l’eau, de la terre (sous-sol inclus)...
7. Enfin, les compagnies pétrolières et gazières pourraient bien considérer qu’on leur donne ainsi un permis de tuer… de continuer à polluer pour les décennies à venir, comme l’a déclaré le CEO d’Exxon dans une interview en 2022.
La leçon à retenir
“Mieux vaut prévenir que guérir”. C’est comme le style : éternel…
Pour aller plus loin
Les aspirateurs à CO2, l’espoir de la neutralité carbone - 7about.fr
Carbon removal hype is becoming a dangerous distraction | MIT Technology Review
Climate Change 2023: Synthesis Report | UNEP - UN Environment Programme
Making Minerals-How Growing Rocks Can Help Reduce Carbon Emissions | U.S. Geological Survey
L article sur l'effet de la sur justification est un kiff.