🔴 7 about... nos petites victoires et la hiérarchie des arguments
Suite et fin de notre "think week"... en Corse, ce qui ne fait pas tout à fait sérieux, et pourtant ! Un peu de réflexion donc en ces temps irréfléchis...
De petites victoires pour de grandes réussites
1. Même (et surtout ?) en temps de crise, il semble plus efficace d’avancer par petites améliorations, cohérentes et constantes, que par grands bouleversements. C’est ce que Karl E. Weick, célèbre théoricien des organisations et professeur de psychologie et sciences de l'organisation à l'Université du Michigan, appelait les small wins, nos petites victoires.
Less is more.
Ludwig Mies van der Rohe
2. Dans son article Small wins: Redefining the scale of social problems paru en 1984 dans la revue American Psychologist, Karl E. Weick relève que les grands problèmes sociaux sont difficiles à appréhender lorsqu’on les considère dans leur globalité. L’échelle utilisée rend l’action difficile, voire impossible, car on reste paralysé devant l’ampleur de la tâche.
People can’t solve problems unless they think they aren’t problems.
Karl E. Weick
3. Puisque tout changement implique du stress, bon ou mauvais, l’enjeu est de trouver la bonne mesure. Si un stress “raisonnable” est dynamisant, un stress trop important devient bloquant : on ne fait plus rien de bon et tout le monde est perdant.
4. La solution ? Découper un problème ou un projet en “petits morceaux” à notre portée. Ces small wins, mis bout à bout, finiront par faire de grandes réussites. Bing Gordon, célèbre créateur de jeux vidéo, entrepreneur et investisseur, appelle ce processus smallifying.
5. Bénéfice secondaire non négligeable : ces petites victoires individuelles donnent du sens à notre action et renforcent la motivation, l’estime de soi… nous incitant à nous investir encore plus.
6. Autre avantage : ces small wins passent le plus souvent inaperçus et attirent peu les détracteurs qui peuvent ruiner notre motivation et les progrès réalisés.
7. Enfin, il est plus visible (et mal vu…) dans une organisation d’échouer à résoudre un problème, que d’ignorer ce même problème. Donc si le problème traité est petit, l’échec potentiel l’est aussi, et le risque sera moindre. On le prendra donc plus facilement. (En outre, personne n’est à l’abri de réussir !). C’est ce que Sim B. Sitkin, professeur à Duke University, a appelé, en hommage à Karl E. Weick, la stratégie des small losses.
La leçon à retenir
C’est quand même plus facile de monter à l’étage supérieur en gravissant les marches d’un escalier qu’en sautant…
Pour en savoir plus
Le livre de James Clear : Un rien peut tout changer | Editions Larousse (Atomic habits)
L’article : The Worth of Small Wins: Teresa Amabile and Steven Kramer on The Progress Principle | AMA
Le livre de Peter Sims : Little Bets - The Book | Peter Sims | Entrepreneur, author, social innovator
La hiérarchie des arguments de Paul Graham
En ces temps de démagogie déraisonnable, la hiérarchie des arguments de Paul Graham - en 7 niveaux - peut nous aider à mieux comprendre la mécanique des désaccords et à réagir face à des arguments qui nous semblent tout simplement faux ou malhonnêtes.
Paul Graham est l’un des fondateurs du célèbre accélérateur californien Y Combinator à l’origine de startups à succès telles que Reddit, Airbnb, Dropbox, Zapier, Substack, etc. Informaticien ayant aussi étudié l’art et la philosophie, il est devenu l’un des maîtres à penser de la Silicon Valley. (NB : contrairement à ses petits copains, il a appelé à voter Kamala Harris, et non Trump.) Et chacun de ses essais et de ses articles (à retrouver sur son blog) sont scrutés avec attention. Sa hiérarchie des arguments (Disagreement Hierarchy) est devenue l’une de ses théories les plus connues.
Commençons par les deux premiers niveaux de cette hiérarchie, dignes de Néanderthal (et encore c’est leur faire offense…) : la réponse portant sur l’auteur lui-même.
Niveau 0 - L’insulte. Est-ce vraiment nécessaire d’épiloguer ? C’est évidemment le niveau le plus bas : la personne n’est pas en mesure de présenter quelque argument que ce soit.
Niveau 1 - L’attaque Ad hominem : selon le Larousse, argument “par lequel on attaque l'adversaire directement dans sa personne en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes”. Il ne s’agit toujours pas d’une argumentation sur le fond.
Un peu plus sophistiqué…
Niveau 2 - L’attaque sur la forme (le ton). La réponse reste faible car on ne sait toujours pas sur quoi porte réellement le désaccord. L’auteur a-t-il tort ou raison ? Sur quel point et pourquoi ?
Niveau 3 - La contradiction sans argument. Enfin, on commence à traiter du fond mais de façon encore très rudimentaire. On ne fait que présenter la thèse inverse sans apporter de preuves.
Niveau 4 - Le contre-argument. Nous passons aux choses sérieuses, c’est-à-dire potentiellement efficaces. A la contradiction s’ajoute un peu de raisonnement et parfois même des preuves. Il reste toutefois un problème : souvent les délibérants s’envoient arguments et contre-arguments sans véritablement traiter du même sujet.
Enfin, nous arrivons aux niveaux supérieurs de la hiérarchie des arguments.
Niveau 5 - La réfutation d’un argument. Vous devrez être précis et citer le point que vous souhaitez réfuter, et en quoi il vous semble incorrect. Cela implique un peu plus de travail qu’une insulte… La réfutation est donc nettement plus rare.
Avec la réfutation de la thèse centrale, nous atteignons le sommet.
Niveau 6 - Il ne s’agit plus ici de réfuter un argument qui peut s’avérer mineur mais bien la thèse centrale de l’auteur. Par exemple :
La thèse centrale de de cet auteur est que XXX, tel qu’il le dit dans ce passage :
<<citation>>
XXX est faux pour les raisons suivantes :
Argument 1
Argument 2
etc.
L’objectif de Paul Graham est de donner des outils pour démonter des argumentations fallacieuses, voire malhonnêtes. Un auteur talentueux ou un orateur éloquent peut donner l’impression de réduire en bouillie les arguments d’un opposant, simplement en utilisant des mots forts mais vides, ou des arguments brillants qui ne traitent pas la question. C’est même à ça qu’on reconnaît les démagogues.
La leçon à retenir
L’art d’argumenter est une qualité professionnelle indispensable. Pour maîtriser cet art, allons vers le haut de la pyramide (le cœur du raisonnement) et non pas le bas (attaquer la personne).
Pour aller plus loin