Le mouvement “Time Well spent”
1. Le mouvement Time Well spent a été initié en 2013 par Tristan Harris, l’un des principaux lanceurs d’alerte de la Silicon Valley. Son objectif ? Aider décideurs et citoyens à prendre conscience des effets délétères des “technologies” - en clair de nos smartphones et autres ordinateurs - sur nos cerveaux et nos esprits.
2. Tristan Harris est un pur produit de la Tech : il est né et a grandi à San Francisco. Diplômé de Stanford, il a travaillé pour Apple, puis a créé sa propre startup - Apture - rachetée par Google en 2011. Après l’acquisition, Harris devient Design Ethicist et Product Philosopher chez Google. Eh oui, ça existe… Il commence alors à s'intéresser aux vulnérabilités du cerveau humain, que cherchent à exploiter les entreprises de la tech. Sa présentation "A Call to Minimize Distraction & Respect Users' Attention" devient virale auprès des employés de Google.
3. En 2015, Harris saute le pas et crée l’organisation à but non lucratif Time Well Spent qui deviendra par la suite le Center for Humane Technology. Fini le parcours idéal du “winner” de la Silicon Valley ! Harris va devenir l’un des lanceurs d’alerte les plus connus du monde de la tech.
4. Harris dénonce le design de ces services qui nous rendent accros (hijack) de façon intentionnelle. Le meilleur exemple est bien sûr Instagram, YouTube ou TikTok et leurs vidéos déversées sans fin en fonction de vos préférences inconscientes. Vous vous “réveillez” soudain pour vous rendre compte que vous avez passé plus d’une heure à regarder des vidéos de chats débiles, alors que vous ne pensiez n’en regarder qu’une seule… et encore ! Comme si “on” avait pris possession de votre cerveau. Ce n'est pas de la magie, c’est de l’“attention engineering”.
5. Le Center for Humane Technology de Tristan Harris répond à trois objectifs principaux :
Informer le grand public pour favoriser sa prise de conscience, via des films, des présentations, des podcasts…
Agir auprès du personnel politique, des leaders, des législateurs, des organisations internationales…
Lutter contre l’accoutumance aux écrans via des ateliers, des cours en ligne, des documents…
6. Les travaux menés pour les générations futures - enfants et ados - sont particulièrement intéressants, notamment le Youth toolkit, un ensemble de guides, de présentations, destinés aux jeunes, aux parents, aux enseignants et éducateurs.
Quelques exemples de sujet :
How does the race for attention distort how we see the world?
C’est vrai, c’est en anglais, mais ça en vaut vraiment la peine (en plus, ça leur fera faire des progrès…).
7. Enfin, pour ceux qui n’ont pas le temps (!), Tristan Harris a lancé le podcast Your Undivided Attention (sélection TED Audio Collective) consacré au pouvoir des nouvelles technologies, Intelligence Artificielle incluse.
La leçon à retenir
Le temps perdu ne se rattrape guère. Il vaudrait mieux se réveiller avant que notre vie ne soit passée sans qu’on ait levé le nez de nos écrans.
Pour aller plus loin
How a handful of tech companies control billions of minds every day | Tristan Harris
Le docufiction The Social Dilemma
Les recrutements dingues de l’IA
1. Les salaires des (encore) rares ingénieurs spécialisés en Intelligence Artificielle s’envolent. Pour les recruter, de plus en plus d’entreprises sont prêtes à débourser des sommes faramineuses auxquelles s’ajoutent bonus, actions et autres packages d’avantages. Même si on est très loin des transferts de footballeurs vers l’Arabie Saoudite, cette surenchère est spectaculaire. Elle a même un nom : AI recruitment frenzy.
2. Conséquence : le salaire moyen d’un ingénieur en machine learning, même débutant, s'établit désormais à 128 000 dollars au sein d’une startup et à 192 000 dollars dans les grandes entreprises (source Wellfound data).
3. Cet envol est encore plus impressionnant au sein des stars de la tech. Ainsi, Netflix a défrayé la chronique en proposant un salaire de 300 000 à 900 000 dollars pour UN poste de product manager au sein de sa plateforme de machine learning.
Autres exemples :
TikTok a annoncé un salaire de 210 000 à 358 000 dollars pour un ingénieur spécialisé dans les modèles d’IA générative (annonce sur Indeed).
HubSpot a offert 285 000 à 427 000 dollars pour un poste d’ingénieur intervenant sur sa plateforme d’IA (annonce sur LinkedIn).
4. Cette hyper-inflation des salaires est alimentée par des investissements qui restent très élevés dans le domaine de l’Intelligence Artificielle. Car, si le secteur du Capital Risque (VC) souffre depuis plus d’un an, le secteur de l’IA, lui, ne connaît pas la crise. En effet, les VC ont injecté un montant record de 12,7 milliards de dollars dans des startups en IA générative lors des cinq premiers mois de 2023, un bond spectaculaire si on se rappelle que “seuls” 4,8 milliards avaient été investis dans ce secteur pour l’ensemble de l’année 2022.
5. Parallèlement aux vagues de licenciements massifs opérés par les grands acteurs de la tech, on assiste à une demande accrue en compétences IA générative et machine learning depuis le début de l’année 2023 : Meta a créé 200 postes, Microsoft, 54 et IBM, 46, etc.
6. Sans surprise, le phénomène est particulièrement marqué aux Etats-Unis, avec 1 169 recrutements ouverts pour des ingénieurs en Intelligence Artificielle. Suivent ensuite l’Inde (188) et le Canada (90). L’Europe n’est pas en reste avec 88 postes pour le Royaume-Uni et 87 pour l’Allemagne.
7. L’enjeu est de taille. Goldman Sachs estime que les technologies de type Chat GPT devraient permettre d’automatiser partiellement ou totalement environ 300 millions de jobs à plein temps !
La leçon à retirer
Le malheur des (nombreux) uns fait le bonheur des (rares) autres.
Pour aller plus loin
La “sleep economy”
1. La sleep economy désigne tous les services, produits et applications conçus pour améliorer notre sommeil, en quantité comme en qualité. Le marché mondial de la sleep economy devrait s’élever à 585 milliards de dollars en 2024, soit une croissance de plus de 6 % par an depuis 2019 (source Statista).
2. L’essor de la sleep economy bénéficie du regard nouveau que nous portons sur le sommeil. Peu dormir a longtemps été considéré comme un facteur de réussite (hello, les winners insomniaques des années 80 qui ont réussi à survivre !). Aujourd’hui, la tendance s’est inversée : le sommeil est à la mode. Il est même devenu un signe de succès et un symbole de statut social.
3. Ainsi, stars et milliardaires partagent désormais leur routine de repos et affichent avec fierté leur “score” de sommeil. Quelques exemples célèbres :
Ellen deGeneres : 8 heures de sommeil, de 23h à 7h
Jeff Bezos et Bill Gates : 7 heures chacun. Jeff se couche à minuit, Bill à 22h
Elon Musk : 6 heures, de 1h à 7h du matin
Exception à la règle : Donald Trump qui ne dormirait que 3 heures par nuit (coucher à 1h du matin, réveil à 4h). De là à en tirer des conclusions …
4. La cause de ce regain d'intérêt ? Nous subissons une véritable épidémie de manque de sommeil : plus d’un tiers des adultes américains dorment moins de 7 heures par nuit en moyenne (source CDC). Or, dormir moins de 7 heures en moyenne accroît les risques d’obésité, de diabète, d’accident cardio-vasculaire, de dépression…
5. Un sommeil insuffisant est également considéré comme étant à l’origine du manque d’efficacité au travail et du manque de concentration, altérant d’autant notre capacité à établir des priorités et à prendre des décisions.
“Every major mistake I made in my life had happened as a result of sleep deprivation”. Bill Clinton
Selon l’étude de RAND Corporation, les troubles du sommeil seraient même responsables d’une baisse du PNB de 1,35 à 2,92 % au sein des pays de l’OCDE.
6. Le manque de sommeil des employés a été officiellement reconnu comme l’une des causes ayant conduit à des catastrophes majeures, telles que l’explosion de Tchernobyl (1986), l’accident nucléaire de Three Miles Island (1979) ou la désintégration de la navette spatiale Challenger (1986).
7. Une étude sur les violonistes, rendue célèbre par Malcolm Gladwell, a démontré que le sommeil était le second facteur (après les heures de pratique) expliquant l’écart entre les bons violonistes et les virtuoses, ces derniers dormant en moyenne 8,6 heures par jour, soit une heure de plus que leurs malheureux comparses.
La leçon à tirer
Si seulement on nous avait dit plus tôt que pour réussir, il suffisait de dormir…
Pour aller plus loin
Sleep deprivation affects fertility, memory and even your immune response after your vaccine - Big Think
The Sleep routines of successful people - Andrew Merle
The role of Sleep deprivation in the world’s worst disasters - Pronapers
La chanson à (ré)écouter : I go to sleep - The Pretenders