🔴 La loi de Segal et les "dark factories"
« Un homme avec une montre sait l’heure qu’il est. Un homme avec deux montres n’en est jamais sûr. » En prime, découverte des usines sans humains qui se développent dans le monde entier...
La loi de Segal
1. La loi de Segal s’exprime le plus souvent avec cette maxime un peu ironique : « Un homme avec une montre sait l’heure qu’il est. Un homme avec deux montres n’en est jamais sûr. » Damned, il va falloir que nous nous servions de notre cerveau pour décider ce qui est juste ou non !
2. Cette loi nous montre que disposer d’une seule source d’information nous donne un faux sentiment de certitude, alors que disposer de plusieurs sources d’information nous conduit à douter. Que dire lorsque nous sommes submergés par une abondance d’infos pas toujours sollicitées, comme c’est le cas aujourd’hui ?
3. L’ironie s’accroît puisque le nom « loi de Segal » est le résultat d’une confusion et d’une série de mauvaises attributions. Explication : cette maxime a été publiée pour la première fois dans le journal américain The San Diego Union le 20 septembre 1930, et a ensuite été attribuée par erreur à un certain Lee Segall, qui selon les sources serait soit un humoriste, soit le propriétaire d’une obscure (à mes yeux tout au moins) station de radio américaine (KIXL). C'est un peu l’arroseur arrosé.
4. Nous avons tous expérimenté cette loi, par exemple lorsqu’il s’agit de choisir le meilleur (si, si, le meilleur des meilleurs…) itinéraire lorsque nous découvrons un pays ou une capitale, le meilleur modèle d’ordinateur, la meilleure université, etc. Comment être sûr de faire le bon choix quand il y a tant d’options ? Cette « surcharge informationnelle » finit par nous paralyser.
5. C’est le « paradoxe du choix », ce concept popularisé par le psychologue Barry Schwartz dont nous avons parlé dans un numéro précédent. En bref, avoir trop de choix tue notre capacité à faire un choix. Cette abondance d’options ne nous rend ni plus libres, ni plus heureux. Bien au contraire ! Nous sommes encore plus anxieux et frustrés à la pensée de ne pas faire le choix optimal.
6. Alors que faire ? En ayant plusieurs sources d'information, nous introduisons l’idée salvatrice qu’on ne peut être sûr de rien, mais qu’on doit faire simple et trouver une bonne solution, même si ce n’est pas la meilleure. Ce que résume le principe KISS (« Keep It Simple, Stupid ») : une approche simple est souvent plus efficace, surtout face à la complexité croissante des outils et des informations dont nous sommes susceptibles de disposer.
7. Ni l’unicité, ni la multiplicité de nos sources ne nous garantissent la vérité. Pour nous en sortir, il suffirait peut-être d’un peu (beaucoup ?) d’esprit critique… et la certitude qu’il n’existe pas de certitudes.
La leçon du jour
Et je ne vous parle même pas de tenter de définir ce que pourrait être la “vérité” ! Rien que d’y penser…
Pour aller plus loin
Notre article Le paradoxe du choix - 7 about
Le livre The Paradox of Choice: Why More Is Less by Barry Schwartz | Goodreads
Les conférences Barry Schwartz | Speaker | TED
La vidéo L'arroseur arrosé 1895 El regador regado - Silent Short Film - Lumière
La chanson d’un autre siècle Maintenant je sais (Version Originale) - Jean Gabin
L’extrait du 3ème homme où Orson Welles parle des horloges… The Third Man......The.Cuckoo Clock
Les “dark factories”
1. Les dark factories (ou usines sombres) désignent les usines ultra-automatisées, ne fonctionnant qu’avec des machines et des robots, sans — ou presque — intervention humaine. Rien à voir donc avec le côté obscur de la Force : ces usines sont dites “sombres” car, en l’absence d’êtres humains, l’éclairage n’y est pas nécessaire, pas plus que le chauffage, d’ailleurs. Les machines y opèrent dans le noir, le froid ou la trop grande chaleur, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
2. Et non, il ne s’agit pas de science-fiction, mais d’un phénomène bien réel qui se répand rapidement dans le monde entier, France comprise, tant il est difficile de rivaliser avec les avantages qu’il présente :
Réduction des coûts : peu ou pas d’employés, ni dépenses énergétiques, ni frais de maintenance.
Souplesse et adaptation : les machines ajustent leur activité en temps réel en fonction des variations de charge de travail.
Plus de sécurité : les robots évoluent dans des environnements dangereux sans risque d’accidents du travail.
Qualité : l’automatisation permet une exécution des tâches avec une précision accrue et un taux d’erreur réduit.
3. Comme on pouvait s’y attendre, la Chine a déjà une position dominante dans cette nouvelle ère industrielle. En effet, selon l’IFR (International Federation of Robotics), les usines chinoises ont acquis plus de 290 000 robots industriels en 2022 (52 % du total mondial), soit plus que les États-Unis et le Japon réunis. Toujours selon l’IFR, la Chine atteint désormais une “densité robotique” (nombre de robots pour 10 000 employés) de 392, à comparer avec une moyenne mondiale s’élevant “seulement” à 142.
Source : Mary Meeker, BOND Trends, May25
4. De même, c’est en Chine que l’on trouve les champions des dark factories :
BYD (véhicules électriques)
Foxconn (fabricant taïwanais de composants électroniques) qui affirme avoir automatisé 30 % de ses opérations
Xiaomi (smartphones, véhicules électriques, etc.) qui, grâce à l’ultra-automatisation de ses lignes de production, fabrique un smartphone par seconde (source : 420.in).
5. La concurrence internationale s’intensifie. Ainsi, les États-Unis affichaient en 2022 une densité robotique de 274, l’Allemagne de 415. Toutefois, avec 1,4 milliard de dollars investis en recherche et développement en 2023 (source : Bloomberg), la Chine reste en tête des investissements dans la robotique.
6. Loin de d’être une solution miracle, les dark factories soulèvent des questions majeures :
Les conséquences de l’hyper-automatisation sur l’emploi et la société sont encore à découvrir.
Le niveau élevé des investissements nécessaires dès la phase initiale constitue un obstacle que peu d’entreprises ou de pays peuvent franchir.
La dépendance technologique est maximale : que se passe-t-il en cas de panne ou de cyberattaque ?
L’impact écologique reste difficile à évaluer. La réduction de la consommation énergétique compense-t-elle les coûts environnementaux de la fabrication et de la maintenance des robots ?
7. L’essor des dark factories s’inscrit dans un mouvement global de réindustrialisation. Pour rester compétitives, les usines de demain devront être bien plus automatisées que celles d’hier, et devront maîtriser un nouveau triptyque : robotique avancée, intelligence artificielle et Internet des Objets (IoT).
La leçon du jour
Nos temps modernes sont loin des “Temps modernes” de Chaplin. On se demande lesquels sont les plus “humains” finalement…
Pour aller plus loin
China’s Startups race to dominate the coming AI Robot boom, Bloomberg
World Robotics Reports, The International Federation of Robotics
Le magazine de référence sur l’automatisation : The Robot Report
Du robot à l’humain et de l’humain au robot : la transformation de Maria, Metropolis Fritz Lang (1927)