Le “backcasting”
1. Le backcasting est une méthode de planification « à rebours ». Il s’agit de commencer par définir très précisément son objectif puis d’identifier les moyens et actions à mettre en œuvre pour l’atteindre. Pas toujours si simple…
2. Cette méthode se distingue du forecasting (prévision) classique qui se base sur l’analyse des tendances actuelles pour anticiper l'avenir.
3. Les grands principes de cette méthode ont été établis dès 1982 par John B. Robinson, chercheur à l’Université de Waterloo (Canada) avec ces deux articles fondateurs : Unlearning and backcasting: Rethinking some of the questions we ask about the future - ScienceDirect et Backing into the future: On the methodological and institutional biases embedded in energy supply and demand forecasting.
4. Le backcasting est particulièrement pertinent lorsqu’on souhaite aborder des questions complexes qui nécessitent des changements fondamentaux dans la manière de vivre, de travailler ou de produire. Ces évolutions à moyen et long termes ne se feront pas “naturellement” et demandent une planification à rebours.
Quelques exemples :
la réduction des gaz à effets de serre (si, si…)
le développement des mobilités douces dans une capitale
la création de technologies de pointe (voir JF Kennedy et la Lune ou le Shinkansen japonais)
5. Le processus de backcasting se déroule généralement en trois étapes :
Définir l’objectif que nous souhaitons atteindre
Identifier les obstacles actuels (politiques, économiques, technologiques, psychologiques…) et les leviers permettant de les surmonter
Élaborer des stratégies à court et moyen terme, en déterminant les actions concrètes à mettre en place.
6. Que ce soit pour des projets collectifs à grande échelle ou individuels, le backcasting présente pas mal d’avantages :
Une vision claire et inspirante : il permet de se projeter et de se mobiliser sur un objectif commun, défini et positif.
La réduction de la dépendance aux tendances actuelles : puisque nous partons de l'objectif final, cette méthode nous encourage à penser en dehors des cadres établis et à explorer des scénarios plus innovants.
La flexibilité et l’adaptabilité : l’objectif est pré-défini et ne dépend pas de tendances que nous ne maîtrisons pas. Les incertitudes, les évolutions non prévisibles affectent notre façon d’atteindre l’objectif, et non l’objectif lui-même.
7. Toutefois, le backcasting présente aussi quelques inconvénients dont…
La difficulté à anticiper l’inconnu (CQFD) : même si nous pouvons nous adapter, il n’en reste pas moins que des facteurs imprévus peuvent influencer la faisabilité même des scénarios que nous avons envisagés.
Les ressources et l’engagement : le backcasting concernant le plus souvent des objectifs ambitieux, il peut être difficile d’obtenir les ressources nécessaires et de maintenir l'engagement des parties prenantes sur le long terme.
La lenteur des changements : les transformations étant profondes, il faut réussir à maintenir sur le long terme la cohérence avec les objectifs initiaux.
Let our advance worrying become advance thinking and planning.
Winston Churchill
La leçon à retenir
Psss… Rien de nous empêche d’appliquer le backcasting à nos vies personnelles. A nous les projets les plus fous !
Pour aller plus loin
Le livre How Big Things Get Done
L’article Unlearning and backcasting: Rethinking some of the questions we ask about the future de John B. Robinson
L’article Backing into the future: On the methodological and institutional biases embedded in energy supply and demand forecasting de John B. Robinson
Le discours de Kennedy fixant la Lune comme objectif : John F. Kennedy Rice University Moon Speech
La vidéo Blondie - Dreaming
Le Global AI Index
1. Le Global AI Index est un classement annuel publié depuis 2019 par le site d’information Tortoise, comparant les efforts de chaque pays dans le domaine de l’Intelligence Artificielle. Cette année, cet index a porté sur 83 pays.
2. La méthodologie utilisée repose sur l’analyse de 122 critères d’évaluation, regroupés en trois grandes catégories :
les investissements : les dépenses réalisées dans chaque pays par les acteurs privés et publics.
l’innovation : les efforts de recherche et développement ainsi que les avancées réelles en découlant.
l’implémentation : la création d’un environnement favorable à la mise en oeuvre de solutions IA (talents, infrastructures opérationnelles…).
3. Sans surprise, les Etats-Unis et la Chine occupent les deux premières places dans les trois catégories principales, et de loin ! Autre enseignement : les Etats-Unis dominent encore très largement la Chine avec un score de 100 contre 53.
4. Comme le montre le cas de Singapour, la taille ne fait pas tout. La cité-État, avec moins de 6 millions d’habitants et une superficie de 734 km2 (soit 12 fois moins que la Corse), s’invite à la troisième place du podium mondial. L'écart avec la Chine est certes significatif mais Singapour, smart nation auto-proclamée, a adopté dès 2019 une stratégie nationale qui porte ses fruits : son port (deuxième mondial) et son aéroport (Changi) comptent parmi les infrastructures de transport les plus efficaces au monde… grâce à l’utilisation de l’IA.
5. Cocorico ! Selon cet Index, la France serait la cinquième plus grande puissance mondiale en terme d’IA, seulement devancée par la Grande-Bretagne et suivie par la Corée du Sud. C’est surtout la plus forte progression puisque la France pointait à la treizième place en 2023. Un saut impressionnant en une seule année !
6. Cette impressionnante “remontada” tricolore s’expliquerait par trois facteurs :
Des efforts concentrés sur l’IA générative, l’un des volets les plus stratégiques de l’Intelligence Artificielle. En 2024, la France a attiré 965 millions de dollars d’investissements privés dans ce domaine (six fois plus que le Royaume-Uni) qui se sont ajoutés aux 7,2 milliards d’investissements publics cumulés depuis 2018.
L’émergence d’un champion national reconnu mondialement : Mistral AI, capable de rivaliser avec les plus grands modèles mondiaux, valorisé à près de 6 milliards de dollars moins de deux ans après sa création.
La présence de supercalculateurs parmi les plus puissants du monde, notamment le Jean Zay opéré par le CNRS.
7. Le Global AI Index est un outil essentiel pour prévoir la puissance actuelle et future de chaque pays et pour anticiper les nouveaux rapports de force entre états… ce qui est loin d’être anodin en ces temps où il va falloir de plus en plus ne compter que sur soi-même.
La leçon à tirer
Pour une fois… Vive la France ! Arrêtons de pleurer sur l’âge d’or (indeed ?) du Concorde et du minitel…
Pour aller plus loin
L’analyse détaillée du Global AI Index
Singapore AI National Strategy - Gouvernement de Singapour
AI, the French Connection - Tortoise