Le syndrome du Hikikomori
1. Le syndrome du hikikomori désigne une forme sévère et durable d’isolement individuel : ne plus aller à l’école, ne plus aller au travail, ne plus vouloir d’activités externes, et rester enfermé chez soi pendant une longue durée (6 mois minimum). Ce terme japonais est composé des mots hiki (se retirer) et komori (être à l’intérieur).
“C’est un phénomène qui se réfère à un état d’évitement de la participation sociale résultant d’une variété de facteurs et au fait de rester généralement à la maison pendant plus de six mois.”
Ministère du Travail japonais
2. En 1998, le psychologue japonais Tamaki Saito a été le premier à décrire les effets de ce syndrome et à mobiliser le ministère de la santé japonais. En 2022, le Japon estimait à 1,46 million le nombre de personnes de 15 à 64 ans qui seraient hikikomori, soit près de 2 % de la population active (source : Japanese Cabinet Office).
3. Longtemps considéré comme une “spécificité japonaise”, le hikikomori est désormais reconnu comme un phénomène mondial. Etats-Unis, Chine, Brésil, pays européens, Corée du Sud… aucun pays n'est épargné. Au Royaume-Uni, des villes comme Liverpool ou Birmingham comptent plus d’un quart de leur population en âge de travailler qui se trouve sans activité et sans intention de rechercher un travail (source : Financial Times). Un véritable fléau qui touche essentiellement les pays les plus avancés technologiquement. De là à penser que les écrans joueraient un rôle…
4. Ce syndrome s’est amplifié ces dernières années. Même si aucune preuve scientifique ne peut encore le démontrer, on peut estimer que l’augmentation du nombre de hikikomori est une répercussion long terme de l’épidémie de Covid et des confinements à répétition.
5. Le hikikomori s’apparente à une prison émotionnelle dont il est très difficile de s’échapper. Les conséquences sont sévères pour la santé mentale et physique : inversion du rythme jour et nuit, perte de la notion du temps, malnutrition, troubles du sommeil, détérioration de l’hygiène, etc.
6. La lutte contre ce phénomène est prise très au sérieux dans plusieurs pays, notamment en Asie :
Japon : dès 2019, le gouvernement a initié un programme national d’aide aux hikikomori, faisant appel à des conseillers familiaux et à des communautés de soutien.
La Corée du Sud : près de 500 000 jeunes Coréens seraient hikikomori ou en passe de l’être. Le pays propose un revenu d’environ 500 euros mensuels pour aider ces victimes à se réintégrer dans la société, à retourner sur les bancs de l’école ou de l’université, ou à rechercher un emploi. Plus original, des organisations non gouvernementales sud-coréennes financent depuis avril 2024 un programme parental de 13 semaines. L’objectif ? Apprendre aux parents à mieux communiquer avec leurs enfants hikikomi et à mieux les comprendre. Ce programme inclut par exemple 3 jours d’isolement dans une “cellule” de confinement.
7. Le hikikomori n’est pas officiellement reconnu comme un trouble mental, ce qui peut expliquer le décalage entre la croissance des cas d’isolements volontaires et le peu d’initiatives menées pour lutter contre ce fléau social, économique et sanitaire.
La leçon à tirer
Pour ma part, je suis de plus en plus tentée par le hikikomori média. “Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend”...
Pour aller plus loin
Hikikomori, A Japanese Culture-Bound Syndrome of Social Withdrawal? National Library of Medecine
Hikikomori: A Scientometric Review of 20 Years of Research, MDPI
Identification of the hikikomori syndrome of social withdrawal, International Journal of Social Psyhciatry
Le premier laboratoire mondial de recherche sur le Hikikomori, Université de Kyushu
Hikikomori: Why S Korea is paying young recluses to leave home, BBC
La démocratie avec Polis
1. Polis est une plateforme en ligne permettant, grâce à l’utilisation du machine learning, de recueillir et d’analyser en temps réel les opinions de larges groupes de personnes sur un sujet donné, et surtout de révéler des points de consensus… bien cachés.
2. Fondée en 2012 à Seattle par Colin Megill (diplômé notamment en Relations Internationales, comme quoi, ça mène à tout), cette plateforme est gérée par l’organisation à but non lucratif Computational Democracy Project qui utilise les mathématiques, l’informatique et les statistiques pour développer des outils favorisant l’expression des citoyens et la démocratie participative.
3. Lorsqu’un gouvernement, une organisation, une entreprise, une association, des citoyens… souhaitent savoir ce que pense un ensemble de personnes sur un sujet, il lui suffit de créer une “conversation”, de la faire connaître auprès des publics visés, et de laisser ces personnes apporter leurs propositions. Les participants peuvent ensuite déposer des commentaires ou voter sur ces propositions ou sur les commentaires. Le choix est simple : Agree, Disagree et Pass.
4. L’administrateur de la conversation peut suivre en temps réel l’avancement de la discussion et établir des rapports qu’il pourra transmettre aux participants ou demandeurs.
5. Le grand avantage de Polis est que son algorithme parvient à identifier et rendre visibles des consensus là où il ne semblait y avoir que des désaccords, loin de ce que nous expérimentons habituellement, à savoir polarisation et division. Des solutions peuvent ensuite être élaborées à partir de ces consensus.
6. Peut-être qu’un exemple serait plus clair, non ? Fin 2023, une association grecque a utilisé Polis pour brainstormer sur l’épineuse question de la prolifération des appartements en Airbnb dans les villes touristiques d’Athènes et de Thessalonique. Sujet hautement conflictuel ! Pourtant, elle est parvenue à dégager des mesures remportant une large adhésion, parfois jusqu’à 90 %. Une bonne base pour des propositions de régulation.
7. L’étape suivante ? Colin Megill coopère avec OpenAI dans leurs recherches de solutions liant l’Intelligence Artificielle et la démocratie (je vous passe les détails… à découvrir dans l’excellent mais un peu long article du Time). Dans ce cadre, OpenAI a créé une version boostée de Polis, ChatGPT permettant d’élargir et d’accélérer le traitement des débats et des votes, aujourd’hui encore partiellement effectué par des êtres humains.
La leçon à retenir
On va faire dans les dictons et maximes aujourd’hui : Polis ressemble à une goutte d’eau dans l’océan de désinformation et de manipulation liées à l’IA mais les gouttes d’eau font les ruisseaux qui font les grandes rivières qui font les océans. Hum… on peut toujours espérer.