Pengu, les animaux virtuels IA
1. Pengu est une application de jeu utilisant l’Intelligence artificielle, qui nous permet d’“élever” des animaux de compagnie - des pingouins, vous l’aurez compris - totalement virtuels.
2. Pengu rappellera à certains d’entre nous les tamagotchis des années 90, quand il fallait nourrir et soigner son animal virtuel en appuyant sur des boutons. Eh oui, des boutons ! Un énorme succès avec 85 millions d'exemplaires vendus depuis son lancement international en 1997.
3. Mais ici, point de morceaux de plastique en forme d'œuf ni de petits boutons : ces nouveaux compagnons numériques fonctionnent à coups d’IA et de LLM. Vous pouvez communiquer avec eux (texte et voix), ce qui les fera grandir et développer leur personnalité. Ils se souviennent de vos interactions passées, ont une capacité d’apprentissage et même une vie en dehors de vous !
4. L’astuce est que vous ne pouvez pas vous occuper seul de votre animal : il faut être deux ! Ce qui vous oblige à créer une connexion avec un autre être humain. Damned ! Et donc… Pengu est une forme de réseau social. C’est futé. Vous jouez et “élevez” votre animal avec un ami, ce qui vous fidélise d’autant… et vous fait le partager autour de vous.
5. Résultat ? Gros succès viral. En mai 2024, moins d’un an après son lancement fin 2023, Pengu comptait plus de 500 000 utilisateurs quotidien actifs (DAU).
6. Pengu est une application de Slay, une startup créée à Berlin en décembre 2022, qui a procédé à une levée de fonds de 5 millions de dollars en 2024. Leurs revenus proviennent essentiellement de la pub incluse dans le jeu.
7. L’IA et les animaux virtuels, c’est probablement le début d’une grande histoire d’amour… qui joue sur notre solitude croissante, le vieillissement de la population, l’hésitation à faire des enfants et notre besoin de materner/”paterner”. Plusieurs pistes : le suivi de l’alimentation et de la santé de nos animaux réels (PetNow, MiniTailz…), le divertissement en faisant parler des animaux filmés (MyTalkingPet) et surtout l’avènement d’animaux robots, le prochain épisode de notre (toute petite) saga… À suivre.
La leçon à retenir
Décidément, en ce moment, nous avons besoin de choses simples, voire simplistes, mais positives, comme les comédies musicales irréelles de Fred Astaire dans les années 30… 1930… quand la crise et la guerre menaçaient.
Pour aller plus loin
L’étude Produits pour animaux de compagnie : valeur du marché en France 2009-2021
L’étude Les marchés des animaux de compagnie : étude, stratégies, classements
La fenêtre d’Overton
1. La fenêtre d’Overton (Overton window) décrit les mécanismes par lesquels des idées, opinions ou actions sont acceptées par une population à un moment donné. Ces mécanismes s’appliquent aussi bien aux changements au sein de la société que dans le monde de l’entreprise.
2. L’expression provient des travaux de Joseph Overton, un politologue américain, ancien vice-président du think tank libéral Mackinac Center for public policy. Selon Overton, une idée est acceptée par une population lorsqu’elle se situe dans la “fenêtre des idées acceptables”. Donc, nos (aspirants) dirigeants, que ce soit dans le monde politique ou le monde des affaires, nous proposeraient des idées entrant dans cette fenêtre, et non des idées correspondant à leurs propres préférences et opinions. Ce qui expliquerait certains retournements de veste…
3. Selon Overton, les idées se classent en six grandes catégories : de “Impensable” à “Actions publiques actuelles”.
Impensable
Radical
Acceptable
Raisonnable
Populaire
Actions publiques
4. La fenêtre d’Overton rassemble donc toutes les opinions pouvant être émises sans que nous soyons immédiatement et unanimement frappés d’opprobre. Toutes les idées qui passent le stade de l’impensable et du radical, deviennent acceptables, voire raisonnables, potentiellement populaires, pour enfin devenir des actions publiques réels.
5. Cette fenêtre d’Overton est dynamique - elle peut se déplacer, se réduire, s’élargir - et peut donc être manipulée, à condition de bien en connaître les rouages.
6. Voici quelques techniques permettant de déplacer la fenêtre d’Overton, largement utilisées par les groupes de pression, désireux de faire accepter des idées… inacceptables.
Déplacer le débat sur le terrain scientifique en mobilisant des experts (réels ou supposés). Comment empêcher la science de s’interroger et d’investiguer ? Vu sous l’angle scientifique, le sujet cesse d’être tabou et est prêt pour percer dans les médias.
Changer de vocabulaire. Les termes tabous renaissent sous forme de termes pseudo-scientifiques acceptables. L’idée correspondante peut donc s'intégrer dans le débat public sans provoquer d’emblée un rejet catégorique.
Puiser dans l’histoire. Il suffit d’en appeler à des personnages historiques connus, ayant émis des opinions aujourd’hui impensables mais qui ne choquaient pas de la même façon à leur époque. Cette méthode est particulièrement efficace quand ces mêmes personnages ne sont plus de ce monde et donc incapables de contredire cette interprétation de leurs propos.
Trouver une justification dans des cas extrêmes (guerre, famine, catastrophe, crise…).
Diffuser l’idée par la culture : films, romans, chansons…
Une fois ancrée dans la société civile, l’idée autrefois impensable est mûre pour une représentation politique. A partir de là, la légalisation de cette même idée devient crédible, voire légitime.
7. La fenêtre d’Overton nous éclaire sur les mécanismes en œuvre dans le fait d’accepter des idées, qui serait moins le fruit de notre libre arbitre que nous aimerions le penser. Les connaître nous permet d’être mieux armés pour décrypter d’éventuelles manipulations.
La leçon à tirer
Chaque jour, nous voyons cette fenêtre bouger imperceptiblement sous nos yeux. Ce qui paraissait inconcevable il y a quelques années, devient acceptable, voire populaire, et pourrait bien finir par se traduire en politiques publiques, ici, maintenant, “pour de vrai”. Et il n’y a pas que Trump à appliquer cette méthode…
Pour aller plus loin
La série de Canal+ La Fièvre, illustration de la fenêtre d’Overton.
Le livre Les ingénieurs du Chaos - Giuliano da Empoli
La chanson Jacques Dutronc - L'opportuniste