Le “data-ink ratio” (et le “chart junk”)
1. Le data-ink ratio (ou le rapport données-encre) mesure pour chaque document, la proportion entre “l’encre” utilisée pour des informations et “l’encre” utilisée pour des éléments visuels non informationnels (fonds d’écrans, lignes, effets 3D…). Si l’encre peut être réelle (document imprimé) ou virtuelle (présentation digitale), le principe reste le même : le data-ink ratio calcule la quantité d’éléments visuels que nous pourrions éliminer, sans perdre en qualité informationnelle.
2. Nous devons ce concept à Edward Tufte qui, après une carrière de professeur en Sciences Politiques à l’Université de Yale, a choisi de se spécialiser dans l’étude de la représentation visuelle de l’information. Ses séminaires et ses ouvrages dont le désormais classique The visual display of quantitative information (1983), ont été à l’origine d'une nouvelle discipline : le design d’information, mélange de sciences et de mathématiques appliquées aux représentations visuelles des données, que ce soit sur écran, papier ou même dans la rue.
3. Elément central de la réflexion d’Edward Tufte, le chartjunk (ou bruit graphique) désigne ces éléments “décoratifs” ajoutés à un tableau ou à un graphique alors qu’ils n’apportent aucune information. Un phénomène qui, selon Tufte, tient à deux raisons principales :
Notre désir de montrer nos talents (hum…) de designer en “embellissant”nos présentations, au risque de “noyer” les infos importantes
Notre irrésistible propension à ajouter, et non à soustraire, au risque de générer une redondance créant de la confusion
4. Le ratio “data-ink” idéal ? Soyons ambitieux : visons le 1, ce qui signifie que nous n’utilisons de “l’encre” que pour transmettre du sens. Pour Edward Tufte, c’est loin d’être une tâche impossible si l’on suit ces quelques règles simples :
Supprimer au maximum la “déco” : grilles, bordures, fonds, effets… Soyez sobre, n’ayez pas peur du blanc : c’est une très belle couleur !
Réfléchissez à comment mettre en avant les données essentielles, et uniquement elles…
Efforcez-vous, à chaque nouvelle relecture, d’éliminer les éléments qui n’apportent rien ou presque. Un bon réflexe : lorsque vous vous demandez si vous devez conserver un élément, c’est que vous pouvez le supprimer. Un seul mot d’ordre : enlevez tout ce que vous pouvez !
Source : University of Michigan, Coursera
5. Selon Tufte, la réprésentation visuelle de la campagne de Russie de l’armée napoléonienne, réalisée par l’ingénieur français Charles Joseph Minard en 1869, serait “le meilleur graphique statistique jamais tracé”. Conçue bien sûr sans ordinateur, cette carte figurative montre en un clin d’oeil l’ampleur des pertes humaines lors de la campagne de Russie. Dates, lieux, distances parcourues, nombres de soldats au départ et à l’arrivée, températures : tout est compréhensible en un clin d’oeil. Une “brutale éloquence qui semble défier la plume de l’historien” (Étienne-Jules Marey). Cocorico ! La meilleure data-visualisation jamais imaginée serait donc française… Dommage qu’il s’agisse de la Bérézina.
6. Le concept de “data-ink ratio” est d’autant plus crucial aujourd’hui que de nouveaux outils, toujours plus simples et plus abordables, permettent de “créer” de l’information très facilement. En 2024, le marché mondial de la visualisation des données devrait représenter 9,84 milliards de dollars et atteindre 16,5 milliards en 2028, soit une progression de près de 11 % par an (source : Mordor Intelligence).
7. L’impact du “data-ink ratio” est loin d’être anodin. Les analyses financières, les relations internationales, les politiques de santé public, la gestion des risques climatiques, etc. constituent autant de domaines où la qualité d’une prise de décision dépend directement de la clarté des données disponibles. Les conséquences du chartjunk peuvent donc s’avérer colossales...
La leçon à tirer
Et un exemple de “Less is more”, un !
Pour aller plus loin
Le livre The Visual display of Quantitative Information - Edward Tufte
Visualization Wheel by Alberto Cairo - Code Conquest
Notre article L’art de savoir soustraire - 7 about…
L’alternative à l’huile de palme
1. Les nouvelles sont bonnes aujourd’hui ! On a trouvé le parfait substitut à l’huile de palme pour fabriquer nos biscuits et gâteaux favoris : le Palm-ALT, non seulement meilleur pour l’environnement mais aussi pour la santé. Notre planète et nos pauvres corps vont avoir un peu de répit…
2. Ce substitut vient d’être mis au point par Catriona Liddle et Julien Lonchamp, chercheurs au sein du Scottish Centre for Food Development & Innovation de la Queen Margaret University (Édimbourg), dans l’objectif de réduire notre dépendance à l’huile de palme.
3. Pourquoi est-ce important ? Les méthodes de production de l’huile de palme entraînent la déforestation des forêts tropicales en Malaisie et en Indonésie, détruisant de ce fait l'habitat naturel d’espèces animales en danger d'extinction (orangs-outans, gibbons, tigres…). L’utilisation de cette huile génère par ailleurs d’importantes émissions de gaz à effet de serre, en raison de son transport du lieu de production (Asie) au lieu de consommation (Europe).
4. Le Palm-ALT a été développé à partir de fibres, de graines de lin et de graines de colza, largement disponibles dans nos contrées, là où il sera utilisé par l’industrie agro-alimentaire. Donc pas de déforestation et peu d’émissions de gaz à effet de serre. L’analyse de son cycle de vie a montré une réduction de deux tiers des émissions de carbone par kilogramme par rapport à l’huile de palme, tous les ingrédients provenant de sources durables européennes.
5. Uniquement végétal, ce produit contient moins de graisses (25 %) et surtout moins de graisses saturées (88 %) que l’huile de palme dont la haute teneur en acides gras saturés favorise l’obésité et un taux élevé de cholestérol. Le Palm-ALT est aussi un champion du « sans » : sans allergènes, sans arômes ajoutés, sans sucre, sans édulcorants, sans conservateurs et sans colorants. Pas étonnant : ce produit ne contient que trois ingrédients et… de l'eau.
6. Le Palm-ALT a fait l’objet d’un dépôt de brevet à la fois pour sa composition et son processus de fabrication. L’équipe écossaise est actuellement en discussion avec des entreprises agro-alimentaires pour que ce nouveau produit remplace effectivement l’huile de palme dans nos recettes favorites (ou pas). A suivre…
7. En France, sans nous en apercevoir, nous consommons chaque année 10 kg d’huile de palme par habitant, pour une quantité importée de 693 000 tonnes par an (moyenne sur la période 2012-2021).
La leçon à retenir
Les industriels vont avoir un produit bon marché et « vertueux », les consommateurs « succomberont » sans se faire (trop) mal… et les orangs-outans pourront garder leur maison. Que demander de plus ?