Le biais du déclinisme
1. Le déclinisme est notre tendance à voir le passé sous un jour excessivement positif, et à considérer notre présent et notre futur de façon négative. Ainsi, nous pensons que tout se dégrade et que le pire est à venir. Favorisé par les médias et les politiques, le déclinisme repose sur de nombreux biais cognitifs. Explications…
2. Le terme “déclinisme” a été créé par Oswald Spengler, auteur de l’essai "Le Déclin de l'Occident" publié en Allemagne après la Première Guerre mondiale (1918-1922). Philosophe, penseur de la "révolution conservatrice" allemande sous la République de Weimar, il diagnostique le déclin inéluctable de la civilisation occidentale. Selon lui, les civilisations comme les êtres biologiques, naissent, croissent, déclinent et meurent. Depuis le temps que ce diagnostic a été fait, nous devrions déjà tous être retournés vivre dans nos grottes et cavernes. D’un autre côté, on peut comprendre qu'après la boucherie de 14-18, il n’ait pas été très optimiste…
3. En parlant de cavernes… Notre tendance à nous concentrer sur les événements négatifs, serait dû à notre instinct de survie : nous serions en permanence à l'affût de ce qui pourrait nous menacer. Le passé étant… passé et ne présentant donc plus aucune menace, nous avons tout le loisir de n’en retenir que les aspects positifs. Si bien que, lorsque nous comparons passé et présent/futur, nous voyons le passé tout en rose, même s’il ne l’était pas lorsque nous étions en train de le vivre. Cette tendance est de plus accentuée par l’instinct de négativité, ce biais qui nous fait davantage remarquer le “mauvais” que le “bon”.
4. Chercher à qui le crime profite… Comme dans un bon roman policier, il est toujours intéressant de prendre du recul. Les médias spécialisés (chaînes d’info en continu, sites…) vivent de la publicité et donc de leur audience qu’ils doivent fidéliser. En présentant sans cesse des informations violentes et choquantes confortant notre instinct de négativité, ils utilisent à leur profit le biais de confirmation qui nous fait privilégier les informations correspondant à ce que nous “savons” déjà, et à refuser les informations qui nous obligeraient à changer d’avis ou de conviction. Nous ne parlons même pas des politiques… si ce n’est qu’il ne faut pas oublier que la fameuse “Belle époque” n’est devenue belle que rétrospectivement, à savoir dans les années 30 quand fleurissaient les populismes et les totalitarismes.
5. Cette tendance au déclinisme n’est pas sans conséquences :
Les perspectives engendrées par le déclinisme peuvent nous conduire à être pessimistes et donc à baisser les bras… ce qui ne risque pas d’arranger les choses.
Nos prises de décision sont moins rationnelles car nous sommes “aveuglés” par le pessimisme ambiant.
Notre bien-être émotionnel et notre santé mentale sont aussi impactés.
6. Pourtant, dans bien des domaines, on peut être sûr que ce n’était pas mieux avant…
Demandez aux femmes si c’était mieux avant, lorsqu’elles ne pouvaient pas ouvrir un compte bancaire en leur nom (1965), travailler sans le consentement de leur mari (1965), prendre la pilule (1967), recourir à une IVG (1975), se protéger contre le harcèlement sexuel (2012), etc.
La loi Forni n’a «dépénalisé» l'homosexualité en France qu’en 1982 (!).
Enfin, beaucoup plus prosaïquement, qui se souvient que dans les années 1970 seuls 50 % des logements français étaient équipés de salles de bain et que la grande place du Louvre était un gigantesque parking ? Les exemples sont infinis…
7. Comment lutter contre le biais du déclinisme ? En s’appuyant sur des données objectives telles que les statistiques sur l'espérance de vie, la pauvreté, l’amélioration du niveau de vie, etc. et en se concentrant sur les choses positives dans nos vies, nos sociétés, le reste du monde…
La leçon à retenir
Dernière chose : “c’était mieux avant” aussi parce que “avant” nous étions jeunes, beaux, frais et innocents !
Pour aller plus loin
What do you mean, the good old days? | Family | The Guardian
La « Belle Epoque », vraiment ? - Université de Poitier
Declinism: is the world actually getting worse? | Science | The Guardian
Oswald Spengler ou le destin de l’Occident - France Culture
Quand Paris n'était qu'un gigantesque parking à ciel ouvert | Un jour de plus à Paris
La guerre des talents de l’IA
1. Les entreprises se livrent une lutte de plus en plus acharnée pour attirer l’élite des travailleurs de l’Intelligence Artificielle. Zeki, une société de recherche spécialisée sur le marché de l’emploi de l’IA, vient de publier l’une des études les plus approfondies sur cette guerre des talents : “State of AI Talent 2024 Report”. Exploitant une base de données de plus de 140 000 professionnels et 20 000 entreprises, cette étude décrit en détail cette compétition mondiale et remet en question quelques idées reçues.
2. Première idée battue en brèche : la domination sans partage des États-Unis. Certes, les États-Unis comptent toujours, et de loin, le plus grand nombre de professionnels de l’IA, mais son pouvoir d’attraction s’érode. Si le solde net (arrivées moins départs) frôlait le million de professionnels de l’IA en 2022, il a été divisé par deux en 2023, avec un solde d’à peine plus de 500 000. Cibles de choix : les experts IA venus d’Europe, du Canada et d’Israël.
Source : Zeki
3. Cette domination s’estompe car les Etats-Unis font désormais face à la montée en puissance de champions de l’IA tels Siemens, Tata Consultancy Services, Nokia ou Samsung qui partagent un même credo : retenir à l’intérieur de leurs frontières nationales les talents de l’IA et la propriété intellectuelle de leurs travaux. Un protectionnisme qui change la donne et réduit la domination américaine…
4. Deuxième idée reçue : la domination des Big 5 de la tech (Amazon, Apple, Google, Meta et Microsoft ou ex-GAFAM du temps où Meta s’appelait encore Facebook). Ces cinq géants n’emploient “que” 11,4 % des talents de l’IA, et leur part diminue, notamment en raison d’un fort turnover. En effet, un parcours type commence à se dessiner : on débute chez un Big 5 où l’on ne reste que pour une courte durée, puis on passe dans une grande entreprise nationale. Un junior de l’IA peut espérer un salaire annuel à six chiffres (au moins 100 000 de dollars) qui peut monter à sept chiffres avec un peu plus d’expérience.
5. Même si la finance demeure le secteur employant le plus de talents de l’IA, c’est le secteur de la santé qui connaît la plus forte croissance. En effet, l’utilisation de l’IA pour établir des diagnostics permettrait de réduire de 50 % le coût des traitements médicaux et d’améliorer les performances médicales de 40 % (source : Harvard School of Public Health). Bel enjeu…
6. Plusieurs pays mènent une politique volontariste “d’importation” de professionnels de l’IA, notamment les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite, la Corée du Sud et les pays scandinaves. En revanche, la France reste “exportatrice” : en clair, nous avons plus de départs à l’étranger de nos spécialistes de l’IA que d’arrivées de spécialistes étrangers.
Source: Zeki
7. L’Intelligence artificielle devient un champ de plus en plus crucial de la géopolitique. Chaque pays désireux d’exister sur la scène internationale de l’IA doit constituer ses champions nationaux, ceux-ci ne pouvant exister qu’en recrutant les meilleurs spécialistes. La guerre des talents de l’IA ne fait donc que commencer et, selon Zeki, elle s’élargit de plus en plus.
La leçon à tirer
Il s’agirait de ne pas perdre cette bataille…
Pour aller plus loin
Le rapport Zeki
Saudi Arabia Plans $40 Billion Push Into Artificial Intelligence - The New York Times
Pour se former en IA… et se faire désirer : 14 Free AI Courses to Level Up Your Tech Skills - Techopedia